Des chances égales pour Sarkozy et Royal

Bataille au couteau

Publié le 23/04/2007
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Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal : un jeu complètement ouvert (afp)

QU'ONT DIT LES FRANCAIS ? Que, en définitive, si désireux de changement qu'ils soient, ils ne veulent pas d'un effondrement des équilibres qui ont assuré la stabilité politique du pays pendant ces cinquante dernières années. Or, parmi les électeurs, il y a eu, cette année, une forte proportion de primo- votants. De qui s'agit-il ? De ceux, d'abord, qui ont incendié des quartiers parce qu'ils veulent sortir de la mouise ; de ceux qui estiment, à tort ou à raison, que M. Sarkozy est « dangereux » ; de ceux, enfin, qui ont pensé que l'on donnait une fausse image de l'économie libérale et ont donc voulu défendre la droite.

LA FRANCE SE RETROUVE DANS UN CAS DE FIGURE CLASSIQUE D'AFFRONTEMENT DROITE- GAUCHE

Des conclusions surprenantes.

Peu après 21 heures, dimanche soir, François Bayrou a tiré du scrutin des conclusions assez surprenantes : il estime avoir ressuscité le centre et conduire une force avec laquelle il va falloir compter. Mais M. Bayrou n'est pas propriétaire des 18 % des voix qui se sont prononcées sur son nom. Par définition, ses électeurs du premier tour ne sont pas tous des militants qui ont la carte de l'UDF. Ils sont libres de rejoindre M. Sarkozy ou Mme Royal. Bien entendu, François Bayrou, qui dispose de la réserve de votes nécessaires pour vaincre, sera extrêmement sollicité ; bien entendu, il va peser sur les programmes de la droite ou de la gauche avant de décider quel côté il rejoint. Mais les électeurs de gauche qui ont voté pour lui voteront de nouveau à gauche s'il rallie M. Sarkozy et les électeurs de droite qui ont voté pour lui rallieront la droite dans le cas contraire. A la limite, on peut imaginer que Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se détourneront de lui s'il est trop exigeant et se contenteront d'attendre le retour de leur électorat naturel sans faire la moindre concession. En outre, beaucoup de députés UDF doivent leur mandat à l'UMP.

La vérité est que, après le séisme de 2002, la France revient, oui, il faut l'admettre, à la bipolarisation. Mais avec quelques avantages : le recul de l'extrême droite (qui chute de 17 à 11 %), le retour du Parti socialiste à son rôle traditionnel, avec 24,79 % ; une démystification des petites candidatures, notamment à l'extrême gauche dont le score global est inférieur à 10 %. Même Olivier Besancenot (qui a fait une bonne campagne), avec 4,3 %, n'obtient pas les 5 % qui lui auraient assuré le remboursement de ses frais de campagne.

Ajoutons, par parenthèses, que les pronostics des sondages ont été excellents et que les résultats sont assez proches de ce qu'ils ont prévu. Les hurlements de MM. Bayrou, de Villiers, Le Pen, Voynet et d'autres contre les instituts de sondage et la presse ne sont-ils pas aujourd'hui nuls et non avenus ?

Une normalisation spectaculaire.

Mais là n'est pas le sujet. Aucun d'entre nous n'ignore les dangers qui pèsent sur l'environnement, l'état de pauvreté croissant dans laquelle sont plongés des millions de Français, la crise de l'immigration. Mais une forte majorité de citoyens veut que ces problèmes soient résolus ni par des moyens qui seraient déshumanisés, comme le souhaite M. Le Pen, ni par la révolution et l'alignement de 60 millions de Français sur le plus petit dénominateur commun, comme le souhaite M. Besancenot. Voilà l'enseignement principal de ce premier tour qui a soulevé dans une multitude de partis un espoir bien excessif, mais qui vient de normaliser la vie politique en France d'une manière spectaculaire.

Nous aurons le 6 mai prochain un affrontement classique entre la droite et la gauche et on n'a pas besoin de discréditer l'adversaire pour conduire cette bataille. Mme Royal, dans la déclaration qu'elle a faite dimanche soir peu avant 22 heures, a parlé de changer le système. Est-ce vraiment utile ? Ne peut-on gouverner la France dans le cadre de la Ve République ? Faut-il donner aux extrémistes des sièges au Parlement à la faveur d'un scrutin proportionnel, comme le souhaitent, de Bayrou à Montebourg, les promoteurs de la VIe République ? Notre principal problème réside-t-il dans nos institutions ou dans notre croissance insuffisante, dans nos déficits, dans la paupérisation de la classe moyenne et dans la dette nationale ?

Ce sera la marque de l'entre-deux tours : pendant ces quatorze jours de campagne, la droite et la gauche afficheront des objectifs identiques. Et proposeront des voies et des moyens différents. Voilà où est l'enjeu.

C'était d'ailleurs celui d'il y a un an, d'il y a cinq ans. On peut penser que M. Sarkozy ne fera que du Chirac et on votera alors pour Mme Royal, qui, il est vrai, incarne le changement à plus d'un titre. On peut aussi penser le contraire, par exemple que Ségolène Royal n'a pas la carrure nécessaire ou, mieux, qu'elle ne disposera pas des meilleurs instruments pour réparer la France. Le débat, comme en 2002, comme en 1995, est circonscrit, ainsi que nous l'expliquions dans ces colonnes le 20 avril, à la capacité de l'un ou l'autre des deux candidats du second tour à résorber nos crises.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8153