C'EN EST DONC FINI du jeu avec les masques et les pseudonymes. Romain Gary a eu beau passer sa vie à brouiller les pistes, le voilà, au terme de presque huit cents pages, révélé tel qu'en lui-même, ou presque.
Myriam Anissimov l'a rencontré en 1977 à l'occasion d'une émission de télévision et ils se sont vus quasiment tous les jours pendant plusieurs mois. Il était alors le mythe incarné de la séduction, il avait l'âge d'être son père et était rempli de doutes.
Aidée par Diego Gary, le fils que Romain Gary a eu avec sa deuxième femme, l'actrice Jean Seberg, elle a commencé par élucider le mystère fondateur de ses origines : Romain Gary est né Roman Kacew à Wilno - aujourd'hui Vilnius - en 1914, dans une famille juive pratiquante. On découvre ainsi l'identité de son père, ses deux arbres généalogiques, l'existence d'un frère et d'une sœur, brûlés vifs par les SS dans le ghetto de Wilno.
On suit son parcours de jeune immigré en Pologne d'abord, en 1920, puis dans la France xénophobe des années trente. D'aviateur des Forces françaises libres, qui dès 1940 a rejoint à Londres le général de Gaulle - qui le fera compagnon de la Libération. De diplomate, car il fut notamment consul général de France à Los Angeles, de 1956 à 1960. De sa vie sentimentale avec un mariage avec la romancière américaine Lesley Blanch puis, en 1963, avec Jean Seberg, qui devait se suicider.
Une vie en pleins et en déliés ponctuée par une œuvre littéraire également inégale. Et c'est là que le bât blesse.
Le roi de la mystification.
Romain Gary a publié sous son nom vingt-six livres, depuis « Education européenne », en 1945, jusqu'au posthume « Vie et Mort d'Emile Ajar », en 1981, en passant par « la Promesse de l'aube », « la Danse de Gengis Cohn », « les Enchanteurs » ou « Lady L. ».
Il a obtenu le prix Goncourt en 1956 pour « les Racines du ciel », et une seconde fois en 1975 pour « la Vie devant soi », qu'il avait signé Emile Ajar.
Emile Ajar : un pseudonyme au même titre que Fosco Sinibaldi ou Shatan Bogat, une énorme mystification littéraire qu'il avait échafaudée avec la complicité de son petit-cousin Paul Pavlowitch, connue d'un cercle pas si restreint que cela mais qui sut garder le secret, et qu'il révéla finalement dans son livre posthume.
Solitaire, meurtri de n'être pas considéré comme un grand écrivain mais plutôt comme un auteur « populaire » - il devait « produire » afin de justifier ses mensualités chez son éditeur - Romain Gary a donc choisi de faire éclater la vérité avant d'en finir avec la vie.
« Ne dis pas forcément les choses comme elles se sont passées, mais transforme-les en légendes, et trouve le ton de voix qu'il faut pour les raconter », avait-il expliqué dans « La nuit sera calme ».
Editions Denoël, 784 p., 2 cahiers d'illustrations, 31,50 euros .
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature