EPONYME
Nous sommes en 400 avant Jésus-Christ. A cette époque, les chèvres respirent aussi bien par les naseaux que par... les oreilles. Les dissections d'Alamaceon de Sparte les confirment. Un canal de communication entre le pharynx et l'oreille permet ce prodige.
Quelque 2 000 ans plus tard, en 1600 environ, Shakespeare s'empare, peut-être, d'un détail anatomique récemment révélé chez l'homme par un certain Bartolomeo Eustachi. Le meurtrier du père d'Hamlet verse un poison dans l'oreille de sa victime. Le produit accomplit sa sinistre tâche en empruntant un conduit qui ne s'appelle pas encore la trompe d'Eustache.
Bien que suspectée depuis vingt siècles déjà, la « tuba auditiva » est décrite précisément chez l'homme par Bartolomeo Eustachi en 1562. Elle ne sera baptisée « trompe d'Eustache » que beaucoup plus tard.
Bartolomeo Eustachi naît entre 1500 et 1513 à San Severini, dans la région d'Ancône, en Italie. Son père Mariano est un médecin réputé. Il veut pour son fils une éducation « humaniste », selon le terme consacré à l'époque. Le jeune Eustachi apprend donc le latin, le grec, l'hébreu et l'arabe. Il maîtrise si bien ces langues que des traductions d'Hippocrate et d'Avicenne lui sont attribuées.
Protégé d'un cardinal
Comme son père, il sera médecin. Il accomplit ses études à Rome à l'Archiginnasio della Sapienza, puis revient « au pays » exercer son art vers 1540.
Son talent est reconnu par le duc d'Urbino, qui le prend comme médecin personnel. En 1547, le frère du duc, le cardinal Giulio della Rovere, le détourne de cette fonction et le ramène à Rome pour en faire son médecin personnel. Un détail qui a son importance. Nous sommes au XVIe siècle, l'Italie est victime des luttes intestines entre ses différents princes. C'est l'époque de la Réforme et de la contre-réforme. L'Inquisition voit le jour. Les esprits novateurs ne sont pas forcément bien vus. La vie tient à peu de choses. La protection d'un puissant représente un atout majeur. Celle du duc, puis du cardinal, durera trente ans. Elle lui évitera de fâcheuses rencontres avec les inquisiteurs.
Appelé à rejoindre la faculté de médecine Collegia della Sapienza, il obtient un poste de professeur d'anatomie. Cette fonction lui fournit les autorisations nécessaires pour pratiquer des dissections.
Vieillissant, Bartolomeo Eustachi, atteint de goutte, réside à Sapienza. Toujours au service du cardinal de La Rovere, il meurt le 27 août 1574, alors qu'il se rend au chevet de son protecteur.
En dehors du conduit qui a permis à son nom de traverser les siècles, Bartolomeo Eustachi a largement contribué à la connaissance de l'humain. Ses traités illustrés de planches anatomiques sur le rein, l'organe de l'audition, le système veineux et les dents ont été publiés entre 1562 et 1564. Il est le premier à décrire les surrénales et à évoquer la situation anatomique des reins. Il est aussi parmi les premiers à évoquer les variations interindividuelles. Dans « Opuscula anatomica », il apporte des notions nouvelles sur les dents. Il révèle que la seconde dentition ne naît pas de la première. Dans son traité sur l'organe de l'audition, outre la célèbre trompe, il rapporte l'existence du tenseur du tympan et des muscles stapédiens. En revanche, la découverte de l'étrier qu'il s'attribue est antérieure à ses travaux.
La médecine lui doit enfin la mise au jour du canal thoracique et de la valve de la veine cave inférieure à son abouchement dans l'oreillette droite, ou valvule d'Eustache.
www.whonamedit.com ; « Rivista di Neuroradiologia » 15 : 263-314, 2002 ; « Plongée et foramen ovale perméable », Dr T. Fossier, 16 février 2000.
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