Un milliard neuf cent mille euros. C'est le pactole de la générosité en France pour le millésime 2002. Un chiffre estimé par l'enquête SOFRES réalisée sur un échantillon de 2 012 personnes sélectionnées pour le baromètre de la Fondation de France, deuxième du genre.
Un Français sur deux donne. De l'argent (37 %), du temps (16 %), ou « en nature » (29 %). Soit 8,2 millions de personnes de 15 ans et plus qui ont donné de l'argent. 3,1 millions sous forme de chèques et 4 230 000 en liquide, de la main à la main.
Ce sont ces derniers donateurs dont le nombre baisse le plus depuis 2000 (- 5 %), avec, en baisse également de 5 points, les donateurs en nature. Pour le don scriptural, qui rapporte à lui seul 95 % du montant total de la collecte, la stabilité du nombre des donateurs s'accompagne d'une légère diminution de la fréquence et du montant des dons : 6 % seulement des donateurs par chèque ont envoyé 4 ou 5 chèques en mars et avril dernier, soit 4 points de moins qu'en 2000 à la même période ; ils ont été plus nombreux (46 %) à n'avoir envoyé qu'un seul chèque (contre 40 % en 2000). Le nombre des donateurs qui ont signé des chèques d'un montant supérieur à 76 euros est en baisse de 4 %.
45 % des Français
La Fondation de France enregistre des variations dans les baisses selon l'âge et la région ; les jeunes de 25 à 34 ans sont 7 % de moins qu'en 2000 à donner et le fléchissement est plus net dans les régions du sud-ouest et du nord.
Mais la baisse est générale. Tous types de dons confondus, la population française compte 45 % de donateurs réguliers en mars-avril 2002, alors qu'elle en recelait 57 % il y a deux ans à pareille époque.
Mais le Baromètre de la générosité n'est cependant pas pessimiste dans l'analyse qu'il propose de cette évolution ; les enquêtes SORGEM (qualitatif) et SOFRES (quantitatif) font ressortir un effet purement conjoncturel lié à la situation économique difficile. De la même manière avait été observée une chute tout aussi importante des dons dans les années 1995 et 1996, millésimes également touchés par le marasme. S'y ajoute pour cette année l'intensité exceptionnelle des échéances électorales. Or, l'évolution des dons déclarés aux impôts a toujours révélé l'impact des élections sur la propension à donner, que ce soit en 1981 (présidentielles et législatives) ou en 1995 (présidentielles). 2002 n'y fait pas exception.
Les associations sont des « éclaireurs sociaux »
Pour autant, et le président de la Fondation de France, Bertrand Dufourcq, ne cache pas son soulagement sur ce point sensible, la confiance de nos concitoyens dans les organismes caritatifs n'est pas ébranlée : ils sont ainsi 86 % à refuser de généraliser à leur sujet une quelconque suspicion liée aux affaires. Investies d'un rôle de palliatif ou de relais de l'action de l'Etat, créditées d'une fonction de porte-parole des minorités et de contre-pouvoir, les associations sont perçues comme autant d'éclaireurs sociaux. L'attachement à leur endroit est rassurant pour la suite.
Une autre satisfaction découle du hit-parade des causes. Si l'aide aux personnes en difficultés et les services sociaux continuent à caracoler en tête, avec 49 % des personnes qui ont donné en mars-avril derniers, à un niveau stable par rapport au précédent baromètre, les dons pour la santé enregistrent une forte hausse, à 29 % cette année contre 20 % en 2000 ; la recherche médicale recueille quant à elle 24 % du montant des dons. Progressent également l'aide au tiers monde (18 %, soit un point de hausse) et l'environnement (+ 2 % à 5 %).
L'effet fiscal discriminatoire en raison d'une plus forte déductibilité fiscale pour les associations d'aide aux personnes en difficulté (amendement Coluche), vigoureusement dénoncé depuis plusieurs années par la Fondation de France, serait donc en passe d'être « lissé ». Sans que le législateur soit intervenu sur le sujet, les Français rééquilibreraient spontanément la balance de leur générosité.
Le paradoxe du don*
Le don est considéré comme un acte désintéressé par essence. Cette position logique a priori engendre un certain nombre de contradictions :
- Apparemment gratuit, le don ne correspond pas moins à un intérêt perceptible et reconnu des donateurs. D'abord inavoué et généralement refoulé, ce « contre-don » n'en est pas moins présent et ressenti aux différents niveaux de l'habitus social.
- Toutes les personnes interrogées s'accordent sur le fait que pour être authentiquement désintéressé, cet acte doit rester entouré d'un voile de pudeur, voire d'anonymat. Cependant, il est l'objet d'une valorisation sociale et, par là, source d'une fierté naturelle des donateurs.
- Le don est à la fois constitutif des principes qui gouvernent l'activité économique et porteur d'un état d'esprit anti-économique. L'échange est à la base de toute économie, donner et recevoir en sont les deux termes. Donner sans recevoir, c'est subvertir la règle de l'échange économique au profit d'une autre règle, selon laquelle c'est l'humain qui importe le plus. Cette motivation apparaît en filigrane dans tous les discours des donateurs : il s'agit de transcender le « réductionnisme » économique qui caractérise nos sociétés.
* Extrait de l'étude SORGEM « Les motivations et les valeurs associées au don ».
Les facteurs du don
- Ce sont les personnes âgées de 65 ans et plus qui sont les plus fortement donatrices (60 % d'entre elles sont donateurs réguliers).
- La propension à donner augmente avec le niveau de revenu : 30 % de donateurs réguliers chez les ouvriers, contre 55 % chez les cadres supérieurs.
- Les habitants de la région parisienne sont les plus fortement donateurs : 52 % d'entre eux donnent régulièrement, contre 39 % des ruraux.
- Les régions les moins donatrices sont le Nord - Pas-de-Calais et le Sud-Ouest. Pour la première, on note un taux de chômage supérieur de quatre points à la moyenne nationale ; pour la seconde, les inondations et les tempêtes, fin 1999, avaient suscité une augmentation exceptionnelle des dons. 2002 marquerait un simple retour à la normale.
- La pratique de la religion catholique ainsi que la proximité de la vie associative demeurent des facteurs déterminants du don.
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