N OUS sommes le 18 octobre 1356. D'après les chroniques contemporaines, un premier tremblement de terre se produit à « l'heure du souper », vers 19 heures, préparant le terrain pour un second encore plus intense, à « l'heure du coucher », vers 22 heures.
D'intensité comparable au tremblement de terre qui s'est produit il y a deux ans à Izmit, en Turquie, celui de Bâle détruisit une quarantaine de châteaux médiévaux, un grand nombre d'églises et de clochers sur des distances de 200 km aux alentours de la ville. Or, selon une étude menée par des chercheurs suisses et français, publiée dans la revue « Science » (14 septembre), cette faille active, sous-jacente aux banlieues et forêts directement au sud de Bâle, s'agite encore.
Repérée au niveau du sol par une escarpe, cette faille active, « la faille de Bâle-Reinach », a provoqué trois ruptures successives qui, selon les chercheurs, auraient soulevé la surface terrestre de 1,8 m au cours des derniers 8 500 ans. « Bâle ne subira pas forcément un séisme massif au cours de notre siècle », déclare toutefois l'un des auteurs de l'étude, Peter Huggenberger, de l'université de Bâle. Mais l'importante présence d'industries nucléaires et chimiques dans la région fait craindre le pire.
Des industries à risque
Tout en soulignant qu'ils ne peuvent prédire en toute certitude le prochain tremblement de terre, les chercheurs déclarent que le modèle sismique identifié par l'étude offre à la région un intervalle de temps pour sauvegarder les infrastructures et pour établir des consignes d'urgence. Le responsable de l'étude, Mustapha Meghraoui, de l'université de Strasbourg, explique en effet que le modèle sismique décrit mène à une « récurrence d'environ 1 500 à 2 500 ans pour un tremblement du même type que celui de 1356 ».
Par ailleurs, la Suisse possède un service national de sismologie assez efficace puisqu'il gère deux réseaux de surveillance sismique. Le réseau des forts séismes, créé en 1992, se compose de plus de 90 stations chargées de mesurer les tremblements de terre relativement importants. Quant au second réseau, il comporte 27 sismographes ultrasensibles reliés à un système d'alarme. Par exemple, en cas de séisme d'une magnitude supérieure à trois sur l'échelle de Richter, l'alarme est donnée à l'Office fédéral de l'économie des eaux, qui s'occupe notamment de surveiller les barrages.
A partir du Jura suisse au sud de Bâle, la faille d'escarpement de Bâle-Reinach s'étend sur au moins huit kilomètres. Elle se prolonge vers le nord-est, franchit une vallée d'effondrement au sud du Rhin (le graben du Rhin) puis traverse la vallée de Birs. Selon les experts, elle fait partie d'une couche sismique plus importante. La recherche de l'origine précise du tremblement de terre de 1356 n'a pas été facile puisque la faille est partiellement obscurcie par des forêts alpestres denses. Les scientifiques ont d'abord étudié les déformations que la faille de Bâle-Reinach a provoquées en surface, y compris les méandres anciens de la rivière Birs toute proche. Les traces d'écoulement d'eau le long de l'escarpe ont d'abord servi d'indications quant au type de faille du graben du Rhin : les ruisseaux tributaires de la Birs creusent de courtes mais profondes entailles à la surface est de l'escarpe, tandis qu'à l'ouest, la pente plus douce présente des ruisseaux en longs méandres. Pour les experts, de telles caractéristiques de drainage suggèrent une « faille active normale ».
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