Il est clair que les contributions de l'industrie pharmaceutique au financement de l'assurance-maladie restent importantes. Pour 2001, hors taxes sur la publicité et autres impôts, « l'ensemble des mesures conventionnelles, qu'il s'agisse de conventions de remises, de baisses de prix ou de déremboursements, pourrait avoir un effet de 543 millions d'euros (...) sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique ». C'est, du moins, le constat que dresse le rapport annuel du Comité économique des produits de santé remis aux ministres chargés de la Santé, de la Sécurité sociale, de l'Industrie et de l'Economie, ainsi qu'au Parlement.
Le comité qui signe les conventions avec chaque laboratoire, dans le cadre d'un accord général conclu avec l'ensemble de la profession, précise que cette somme « se compose de 183 millions de remises à payer en 2002 en application des conventions en vigueur à la fin de 2001 et de 360 millions d'impact des baisses de prix et des déremboursements décidés en 2001 ».
En clair, ces dernières mesures, prises par le précédent gouvernement, touchent deux fois plus les industriels du médicament que les remises prévues par les conventions qu'ils ont signées avec le Comité. Ce que redoutaient d'ailleurs les laboratoires à l'annonce des divers plans d'économies, d'autant que l'impact des baisses et des déremboursements a un effet durable dans le temps.
Les chefs d'entreprise pourront toujours se consoler par le fait que le montant de leurs remises aurait atteint 370 millions d'euros s'ils n'avaient pas signé de conventions avec le comité, et que leur aurait été alors appliquée la clause de sauvegarde économique prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale. On sait en effet que les laboratoires qui ont signé une convention sont exonérés de cette clause. C'est la confirmation que le dispositif conventionnel, malgré ses inconvénients, reste plus avantageux que le système mis en place par la loi annuelle de financement de la Sécurité sociale. Ce qui explique sans doute, comme le note le rapport du comité, que les conventions signées « représentent 99,9 % du chiffre d'affaires en médicaments remboursables en ville de l'industrie ». Seulement « une quinzaine de très petites entreprises ont refusé les conventions qui leur étaient proposées ».
Douze classes thérapeutiques montrées du doigt
Reste que l'ensemble des remises réduiront pour 2001 la croissance des ventes de l'industrie de 1,9 point.
Mais il est clair, du moins pour les rapporteurs du comité, que l'importance de ces remises se justifie par l'évolution en 2001 des dépenses de médicaments à la charge de l'assurance-maladie.
Une augmentation qui reste forte, précise encore le rapport, puisque « en faisant masse de l'ensemble des ventes de médicaments pris en charge par la collectivité, la croissance aura été du même ordre que celle constatée en 2000, soit environ 7,7 % ». Certes, reconnaît le comité, une croissance similaire est constatée dans des pays comparables à la France et est due à des motifs clairs, comme l'augmentation de la « prévalence des maladies chroniques, l'émergence de nouvelles affections, la médicalisation accrue des derniers âges de la vie » ou encore « l'arrivée de nouvelles molécules pour des pathologies précédemment mal couvertes ».
Il est vrai aussi, poursuit le rapport, que par référence à certains pays où, ces dernières années, les ventes de médicaments ont connu une croissance à deux chiffres, la croissance constatée en France pourrait apparaître comme un résultat satisfaisant. Mais ce serait oublier, tempèrent aussitôt les rapporteurs, « que le niveau moyen de consommation médicamenteuse par habitant d'ores et déjà atteint dans notre pays est, selon les critères utilisés, le plus élevé du monde ou l'un des plus élevés ».
Ainsi justifié le système de remises imposés à l'industrie pharmaceutique, le rapport constate, comme l'an dernier d'ailleurs et comme plusieurs études depuis, que la majeure partie de la croissance du chiffre d'affaires de l'industrie concerne un petit nombre de classes thérapeutiques. « On constate que plus de 70 % de l'augmentation est imputable à 12 des 320 classes (ou sous-classes) thérapeutiques de médicaments existantes » (voir tableau). « La croissance moyenne de ces classes, poursuit le rapport, a été supérieure de 20 % en 2001, avec un maximum proche de 60 % pour les anti-inflammatoires du fait de la montée en charge rapide des anticox 2 ». Il est clair en effet que le succès des anticox 2 a été immédiat, dès leur lancement. Il est vrai aussi que pour les prescripteurs, notamment les rhumatologues, leur mise sur le marché a représenté une innovation thérapeutique très importante. Ceci explique sans doute cela.
Trop faible impact des génériques
La croissance des dépenses n'a guère été freinée par les génériques, puisque, selon le rapport, ils représentent 3,1 % du chiffre d'affaires hors taxes du marché des médicaments remboursables, contre 2,7 % en 2000. Une évolution trop faible pour avoir une quelconque incidence sur la croissance des dépenses, d'autant que le prix des génériques est par nature, ou devrait être, bien inférieur à celui des autres médicaments.
Enfin, on notera que le délai, pour un laboratoire, pour obtenir un prix pour un médicament remboursable s'est légèrement allongé par rapport à l'année dernière. Il lui faut en moyenne patienter 202 jours, soit six jours de plus qu'en 2000, entre le dépôt de sa demande auprès du comité économique et la publication de son prix au journal officiel. Un délai beaucoup plus court, 138 jours, pour les médicaments génériques.
L'année 2001, note encore la rapport, a été marquée par une forte croissance du nombre de dossiers de prix déposés : 1 785 contre 1 649 en 2000, soit une augmentation de 8 % mais au total, en trois ans, le nombre de demandes déposées a augmenté de deux tiers. En 2001, « on observe, comme en 2000, que le nombre de dossiers ayant abouti (1 508) est inférieur à celui des demandes adressées au comité, en cours d'exercice. Cet écart de 277 demandes se traduit par une augmentation du stock des dossiers en cours ». Un stock qui s'établissait à 121 à la fin de 2001. « Un bilan peu satisfaisant », reconnaît le rapport.
Dispositifs médicaux : des dépenses en hausse sensible
Le rapport du Comité économique des produits de santé aborde, pour la première fois, le marché des dispositifs médicaux et de leurs remboursements. On sait en effet que la compétence du Comité, par la loi de financement de la Sécurité sociale 2000, s'est étendue aux produits de santé autres que les médicaments et que les décrets d'application précisant la loi ont été publiés au « Journal officiel » du 28 mars. C'est donc naturellement que le rapport 2002 traite de ce sujet.
Si les dépenses remboursables du marché des dispositifs médicaux s'élèvent à environ 5,1 milliards d'euros, elles n'ont donné lieu qu'à 2,6 milliards de remboursements. Il y a en effet, note le rapport, « un écart, parfois important (lunettes, audioprothèses notamment) entre les prix de vente et les tarifs de remboursements ». Mais « ce secteur est en assez forte croissance, si l'on en juge par l'évolution des remboursements de l'assurance-maladie, qui a été de 15 % en moyenne sur les trois années 1998-2000 ».
Le premier poste de dépenses de ce secteur (51,7 %) est constitué par les matériels de traitement à domicile (appareillage d'assistance respiratoire, matériels et appareils de contention, article de pansements, chambres d'inhalation...) et il est en augmentation de 19,3 % en 2000 par rapport à 1999. Les premières statistiques pour 2001 font encore état d'une progression de plus de 16 %.
Le deuxième poste de dépenses (26 %), en progression de plus de 8,1 %, est constitué de dispositifs médicaux implantables, implants orthopédiques, implants cardio-vasculaires et ophtalmologiques.
Le troisième domaine (20,2 %) en augmentation de 10,4 % est composé de produits très différents : optiques, audioprothèses, dispositifs de prévention ou de traitement (types orthèse de contention, vêtements compressifs).
Enfin, le dernier poste concerne les véhicules pour handicapés physiques (2,1 % du total des dépenses) et est en augmentation de 12,6 %. Pour les rapporteurs, cette augmentation sensible est due à la part croissante des fauteuils roulants achetés par rapport à ceux qui sont loués et à l'inscription sur la liste des produits remboursables de fauteuils, plus performants, électriques, et/ou verticalisateurs, mais plus chers.
Enfin, notons que, selon les statistiques fournies par la CNAM, l'ensemble des dépenses de ces dispositifs médicaux serait en progression en 2001 de 13 %, soit en légère diminution par rapport aux années précédentes. Mais les mesures d'amélioration de prise en charge adoptées fin 2000 n'ont pas encore produit leur plein effet. Il y a donc fort à parier que les dépenses de ce secteur seront en évolution sensible au cours des prochaines années. Mais il est évident que ces améliorations s'imposaient.
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