Lorsqu'il a annoncé que l'impôt sur le revenu serait diminué de 3 % en 2004, alors que la France affiche un déficit public de 4 %, il a pris tout le monde par surprise. Sa décision résulte d'une concertation étroite avec le chef de l'Etat et, quoi qu'en disent le Premier ministre et les membres de l'équipe gouvernementale, Jacques Chirac a imposé son point de vue contre vents et marées, avec un entêtement qui s'explique de plusieurs manières : le président avait promis de réduire l'IR de 30 % en cinq ans pendant la campagne électorale (on en est à 9 % en trois ans), il garde le cruel souvenir des hausses d'impôts adoptées par Alain Juppé après 1995 qui l'ont conduit à la dissolution et il fait un pari, téméraire, mais pas démentiel, sur l'avenir.
Le flot des critiques soulevées par la décision du chef du gouvernement n'en est pas pour autant excessif. M. Raffarin a donné du grain à moudre à l'opposition dont le jugement est soutenu par des arguments tout à fait acceptables.
- La réduction de l'IR ne concerne que la moitié des foyers français qui le paient et donc la population aisée ou riche. Les économies faites sur l'impôt risquent donc d'aller plus vers l'épargne que vers la consommation et de ne pas créer d'emplois.
- Franchement, la France ne peut pas s'offrir le luxe, traité de Maastricht ou pas, de creuser son déficit et d'accroître son endettement (1 000 milliards d'euros).
- Une réduction fiscale doit être nécessairement accompagnée d'une diminution d'un montant égal des dépenses de l'Etat, mais M. Raffarin estime qu'en gelant ces dépenses (augmentées seulement du taux d'inflation), il ne peut pas faire mieux.
- Des mesures en faveur des foyers les plus pauvres auraient relancé partiellement la consommation.
Mais il faut voir aussi que la pression fiscale en France a atteint un niveau excessif incompatible avec un rythme soutenu de créations d'entreprises. M. Chirac veut surtout réduire les prélèvements de l'Etat sur la richesse nationale. Il est donc guidé par un plan stratégique étalé dans le temps et refuse de le suspendre pour des raisons conjoncturelles. Certains ministres l'ont dit : on s'est trompé par optimisme sur la croissance en 2003, on peut se tromper par pessimisme sur la croissance en 2004.
M. Raffarin, dans ses déclarations, a exprimé l'idée qu'il ne travaillait pas pour la Commission de Bruxelles. L'argument est un peu léger dans la mesure où c'est la France souveraine, avec ses partenaires européens, qui a adopté les critères de Maastricht sur le plafonnement des déficits publics, l'inflation et la dette nationale. Ces critères semblaient inattaquables en période de prospérité. On a évoqué à plusieurs reprises leur assouplissement, pour la bonne raison que le ralentissement économique mondial ne permet pas aux pays européens de les respecter.
Cependant, la Commission européenne n'est pas un gendarme sans cur et sans logique ; elle rappelle à la France qu'elle doit réduire ses dépenses de fonctionnement et qu'il y avait peut-être d'autres impôts ou taxes à réduire en dehors de l'IR. Il ne manque pas de professionnels libéraux ou de cadres qui ont assez de civisme pour reconnaître qu'ils n'ont pas vraiment besoin de la diminution de l'IR.
En revanche, l'objectif à long terme doit être la réduction du prélèvement fait par l'Etat sur le PIB. Les socialistes ont commis une gaffe lorsqu'ils ont parlé de « réhabiliter l'impôt » ; c'est bien connu, trop d'impôt tue l'impôt et le gouvernement a raison de vouloir plutôt réhabiliter le travail.
L'exemple américain
Le passage en revue des arguments pour et contre la baisse de l'IR ne se fait pas à l'avantage du gouvernement, qui a pris un risque considérable. Mais plus le pari est téméraire, plus, si par extraordinaire il réussit, il apportera de résultats positifs. En effet, si on prend l'exemple des Etats-Unis, on s'aperçoit que le gouvernement Bush a lutté contre la récession par une injection massive de capitaux dans l'économie, à la fois en consommant des excédents antérieurs et en diminuant les impôts. L'Amérique, déjà très fortement endettée, présentera cette année un déficit public de 4,5 %. La politique économique de M. Bush est donc plutôt critiquable. Il demeure que la croissance a repris aux Etats-Unis depuis la fin de l'année dernière et que si les créations d'emplois sont encore insuffisantes, on assiste cette année à une forte poussée de croissance et à une remontée spectaculaire des indices boursiers.
Il n'en va pas de même en Europe, sauf peut-être en Allemagne, principalement parce que le chancelier Gerhard Schröder s'est attaqué de front à des réformes vitales, celle des retraites et celle de la santé. M. Raffarin, en tout cas, constate qu'il y a un rebond aux Etats-Unis, un frémissement en Allemagne, notre premier partenaire commercial, et une reprise au Japon après dix ans de langueur mortelle. Son pari est donc moins fou qu'on ne le croit.
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