La connaissance de la bactérie est essentielle à plusieurs titres. Les Streptomyces sont des bactéries du sol, parmi les plus répandues et les plus ubiquitaires. Elles jouent un rôle particulier dans la dégradation de molécules organiques, comme la chitine et la cellulose, qui sont les biopolymères les plus abondants dans l'environnement : elles sont donc centrales dans le cycle du carbone.
Les colonies de Streptomyces présentent par ailleurs la propriété remarquable d'une organisation en « tissus » primitivement « différenciés », des filaments végétatifs portant de longues chaînes de spores reproductrices. Enfin, d'un point de vue médical, les Streptomyces présentent un double intérêt.
Le même ordre que M. tuberculosis et M. leprae
Premièrement, elles font partie du même ordre taxonomique (Actinomycetales) que des bactéries telles que M. tuberculosis et M. leprae : la comparaison des cousines pathogènes et non pathogènes pourrait donc en apprendre beaucoup sur la dérangeante spécificité des premières. Deuxièmement, elles sont la source de plus des deux tiers des antibiotiques naturels actuellement utilisés, ainsi que d'antitumoraux et d'immunosupresseurs ; on peut donc espérer découvrir encore d'autres molécules utiles dans la bactérie.
Le chromosome de Streptomyces coelicolor est long de plus de 8 millions de paires de bases, et se caractérise structurellement par une organisation biphasique, une partie centrale comportant la plupart des gènes essentiels, impliqués, entre autres, dans la réplication de l'ADN, la division cellulaire, la synthèse des acides aminés et les mécanismes d'expression des protéines, tandis que les parties distales, de part et d'autre, portent des gènes correspondant à des fonctions métaboliques moins vitales pour la bactérie, enzymatiques notamment. On note que l'ordre des gènes dans la partie centrale du chromosome est conservé dans la plupart des espèces de Streptomyces (phénomène de synténie).
Les gènes portés par le chromosome de Streptomyces coelicolor semblent particulièrement nombreux. Les calculs indiquent ainsi l'existence de 7 825 séquences potentiellement codantes, à comparer aux 4 289 gènes probables identifiés dans E. coli. Ce nombre élevé résulte à la fois d'un enrichissement des familles de gènes existantes, et de l'acquisition de nouveaux gènes et de nouvelles fonctions. Parmi ces fonctions, on remarque la place accordée aux régulations.
Un nombre élevé de séquences codantes
Quelque 12 % des protéines de la bactérie ont le « profil » attendu de protéines régulatrices, ce qui est considérable, et confirme que la proportion de gènes régulateurs augmente avec la taille des génomes. On note également un nombre important de gènes codant des protéines impliquées dans la réception de signaux extérieurs (récepteurs membranaires et cascade de transduction intracellulaire), de protéines de transport, enfin, de protéines sécrétées dans l'environnement, telles que des hydrolases, des protéases et des chitinases, qui rendent compte de la transformation chimique des sols sous l'action de Streptomyces.
D'une manière générale, le nombre élevé de gènes assurant des fonctions non essentielles de la bactérie doit pouvoir expliquer l'organisation particulière des colonies, et leurs capacités métaboliques variées, dont la production d'antibiotiques. Pour comprendre ces propriétés, et en tirer partie dans la mesure du possible, il s'agit maintenant de caractériser les gènes et de rentrer dans le détail de leurs fonctions.
S. D. Bentley et coll. « Nature », vol. 417, 9 mai 2002.
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