LE TEMPS DE LA MEDECINE
Le facteur étiopathogénique à l'origine de la carie est bactérien. « Sans bactérie, pas de carie », lance le Dr Catherine Miller (MCUPH, service d'odontologie Deliberos, Hôtel Dieu, Paris). Ces bactéries sont transmissibles et leur principal vecteur est la maman qui partage la cuillère avec son enfant, au moment de la dentition de lait.
Ces bactéries agressives, le plus souvent un streptocoque mutans ou du groupe mutans, attaquent les dents en captant les sucres alimentaires. Elles les métabolisent au cours d'un processus de fermentation avec synthèse d'acide lactique. Rejeté au niveau de l'émail ou de la racine de la dent (chez le sujet âgé), l'acide déminéralise l'émail ou la surface radiculaire. Simultanément, la salive exerce son pouvoir tampon, qui fait remonter le pH. En découlent des reprécipitations de cristaux sur les sites déminéralisés. Le Dr Miller rapporte une expérience menée chez des rongeurs vivant en milieu stérile : gavés de sucres, ils n'ont pas développé de caries. Chez les patients à haut risque carieux (grignotage, dentifrice non fluoré, débit salivaire bas), en raison d'un rejet d'acide lactique perpétuel, la déminéralisation est plus intense et dépasse la reminéralisation.
« Au niveau alimentaire, le principal responsable est, bien sûr, le saccharose. poursuit le Dr Miller. Il faut y ajouter tous les aliments trop sucrés, collants, les boissons sucrées, le grignotage. L'exemple est celui de ces enfants qui reçoivent au goûter des barres, très sucrées et collantes. ».
Une étude a été menée en Suède en 1954 par Gustavson (étude de Vipeholm) dans un institut pour handicapés mentaux. Un groupe de sujets recevait à volonté des aliments sucrés au cours de la journée, l'autre, la même quantité de sucreries, mais au cours des repas. Les caries se sont bien davantage développées dans le groupe à alimentation libre.
« En pratique, outre les notions de quantité et de consistance, c'est la fréquence de consommation des sucres qui est très importante. Schématiquement, mieux vaut manger une bonne mousse au chocolat au cours d'un repas qu'en dehors ». Malgré cela, il existe des sujets qui grignotent toute la journée et qui n'auront pas de carie parce qu'ils ont une salive suffisamment abondante, une bonne hygiène bucco-dentaire et qu'ils utilisent un dentifrice au fluor. En revanche, chez d'autres, des caries surviendront, même en consommant peu de sucre parce qu'ils ont les mauvaises bactéries, un émail fragile, une salive insuffisante.
« La carie est une maladie multifactorielle transmissible. Le sucre est un facteur nécessaire mais pas suffisant. Il s'y ajoutent les bactéries, la salive et la résistance de l'émail », résume le Dr Miller.
Quelle prévention ?
La meilleure prévention de la carie dentaire vient de la maman qui, en conservant une bouche en bon état, ne transmet pas de bactéries à son enfant. Il faut aussi éviter le grignotage, les aliments mous et sucrés, les sodas et prendre de bonnes habitudes alimentaires dans l'enfance.
Au moins deux brossages efficaces quotidiens sont nécessaires, avec un dentifrice contenant des fluorures au dosage adapté à l'âge. Après les repas, la brosse à dents peut être remplacée par un chewing-gum au xylitol. Surtout aux âges à risque (enfance, adolescence, sujet âgé), des consultations annuelles ou bi-annuelles chez le dentiste sont recommandées
Chez le sujet âgé, au débit salivaire insuffisant, des applications de fluor (gouttière, vernis) peuvent être nécessaires.
Edulcorants et insuline
Une étude a été menée voici quelques années afin d'identifier un éventuel effet de l'aspartame sur la sécrétion d'insuline. Donnée sous forme de gélules, donc sans perception du goût sucré, la molécule n'a eu aucun effet sur l'insulinosécrétion de volontaires. En revanche, lorsque l'édulcorant était donné de sorte que la saveur sucrée soit perçue, une réponse insulinique a été notée chez les participants. La sécrétion était cependant moindre que celle produite par du sucre. Ce qui laisserait supposer que, dans le cadre d'un régime, mieux vaudrait conseiller de l'eau ou des boissons gazeuses que des sodas dits « light ».
L'intérêt des édulcorants ne semble réel que chez les gros consommateurs d'aliments ou de boissons sucrés. Le non-gourmand qui, de temps à autre, achève son repas sur une note sucrée peut conserver ses habitudes (sauf, bien sûr, dans le cadre d'un régime amaigrissant strict). Chez un individu au poids stable, enfant ou adulte, la substitution semble également inutile.
Dr G.B.
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