LES GRANDES MANOEUVRES ont commencé autour du projet de loi Santé, patients, territoires (SPT). Après les partenaires sociaux et les représentants des praticiens hospitaliers (« le Quotidien » du 23 juin), Roselyne Bachelot, flanquée de ses principaux conseillers, a reçu les représentants des médecins libéraux dans le cadre de la concertation engagée sur cette loi de modernisation du système de santé. Au grand dam de certains syndicats, le ministère de la Santé n'a présenté aucun texte à ce stade. «Ils sont malins, ils nous disent qu'il n'y a encore rien d'écrit, puisqu'ils veulent tout faire avec nous…»,commente le Dr Dino Cabrera, président du SML. En réalité, Roselyne Bachelot a demandé à ses équipes de presser le pas puisqu'elle veut présenter ce texte en conseil des ministres dès le 24 septembre pour un examen au Parlement en première lecture avant la loi de financement de la Sécurité sociale. «Les conseillers de Roselyne Bachelot sont déjà épuisés, ironise le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF-Généraliste. On peut être inquiet sur la capacité de conduire cette réforme assez monstrueuse au pas de charge.»
Télémédecine.
Les choses avancent néanmoins. Brique par brique, le ministère précise à ses interlocuteurs les contours de la loi. Ainsi les médecins libéraux ont-ils eu droit à un inventaire à la Prévert concernant le fameux titre 2 consacré aux «soins de qualité pour tous sur le territoire» (le premier titre portant sur la prévention et la santé publique, le troisième sur l'hôpital, le quatrième sur les ARS). De nombreux sujets devraient trouver leur place dans ce volet « accès aux soins » : mise en place des SROS ambulatoires (schémas régionaux d'organisation sanitaire) ; éléments sur la télémédecine ; rôle du médecin traitant dans la prévention ; organisation de la permanence des soins ; répression des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU ; encadrement des dépassements d'honoraires si les négociations sur le secteur optionnel n'aboutissent pas. Ce n'est pas tout. Le ministère a également évoqué la mise en place de la filière universitaire de médecine générale et l'ouverture de terrains de stage dans les cliniques privées.
La révision complète du dispositif FMC-EPP est au programme. Selon un responsable syndical, le schéma du ministère consiste à «ne plus infantiliser les médecins» par un système de barème-crédits-points et à évoluer vers une obligation d'évaluation des pratiques professionnelles (voir encadré).
Quant à la «réforme de la représentativité des syndicats médicaux», elleserait dans le « package » législatif. L'idée est d'aligner les syndicats de médecins sur les confédérations de salariés en tenant compte de l'audience électorale comme critère important de représentativité (seuil à définir). Le sujet tient à coeur à la FMF qui n'est pas représentative des médecins généralistes. Le ministère aurait enfin évoqué des mesures concernant les «Ordres» des professions de santé sans plus de précision. Cette réforme pourrait concerner le mode de scrutin, le fonctionnement ou encore le statut de l'élu.
Des ordonnances ciblées sur la « technique ».
Le recours aux ordonnances n'est pas arbitré. Mais si cette procédure est utilisée, elle sera ciblée sur le volet «technique» des agences régionales de santé (ARS, titre 4), a rassuré Roselyne Bachelot. Le texte devrait être finalisé dès la mi-juillet. Une nouvelle réunion de concertation avec les syndicats de médecins libéraux se tiendra le 17 juillet. Les autres professions de santé qui avaient participé aux états généraux (EGOS) devraient également être reçues. Comme prévu, un séminaire est programmé en septembre, avec deux journées : «Offre de soins» et «ARS».
Les syndicats ont apprécié la méthode, même s'ils jugeront sur pièce. Tous se disent prêts à s'investir, mais redoutent qu'une politique de rigueur conventionnelle conduite par la direction de la CNAM décourage rapidement les bonnes volontés. La CSMF ne fait «aucun procès d'intention». «Ils nous disent qu'ils sont preneurs d'idées, on ne va pas s'en priver»,déclare le président Michel Chassang. MG-France «salue» la poursuite de la concertation et parle de texte «ambitieux et cohérent» pour définir les missions des acteurs en ville et à l'hôpital, garantir l'accès aux soins de qualité et développer la prévention.
Le Dr Jean-Claude Régi (FMF) attend «des explications de texte plus précises».Pour Dinorino Cabrera (SML), «on a les ingrédients, mais on ignore si la recette sera fade, sucrée ou très piquante».
Vers une FMC sans crédit ?
Le ministère de la Santé a clairement laissé entendre aux syndicats de médecins libéraux que l'on s'acheminait vers la fin de la formation médicale continue (FMC) obligatoire et du système des crédits. Le barème mis en place par les Conseils nationaux de FMC avait pourtant été adopté par le gouvernement et avait fait l'objet d'un arrêté paru au « Journal officiel » du 13 juillet 2006. Ce barème précisait que tous les médecins devaient obtenir 250 crédits sur une période de cinq ans dont cent pour l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Le ministère de la Santé a en revanche indiqué que l'EPP resterait obligatoire. C'est donc bien une complète remise à plat du dispositif de FMC et d'EPP qui se prépare dans la prochaine loi Santé, patients, territoires, même si les contours en restent flous. Cette annonce intervient alors que les CNFMC viennent de remettre à Roselyne Bachelot un rapport exhaustif sur leur activité depuis leur installation en février 2004. Les responsables des CNFMC soulignent l'important travail réalisé depuis cinq ans. Ils demandent que la nouvelle phase du dispositif FMC-EPP passe par une «redéfinition des missions et champs d'intervention» des CNFMC, de la HAS, des URML et de l'Ordre des médecins. Ils réclament également le recensement et l'élargissement des fonds publics et leurs modalités d'affectation ainsi que la révision du circuit de validation. Les trois conseils doivent envoyer d'ici à une quinzaine de jours à la ministre de la Santé des propositions d'amélioration et de simplification du dispositif. Il pourrait s'agir des dernières cartouches tirées par les Conseils nationaux pour préserver leurs prérogatives dans le futur dispositif, alors que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) doit réaliser pour le gouvernement un état des lieux de la FMC et de l'EPP.
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