ROSELYNE BACHELOT s'est montrée avant tout rassurante à la deuxième convention du Centre national des professions de santé (CNPS), consacrée aux futures agences régionales de santé (ARS) dont les compétences couvriront la médecine de ville, l'hôpital, le médico-social et la santé publique. Devant 200 praticiens libéraux du CNPS – partisan d'un «dialogue constructif avec le gouvernement», selon son président Michel Chassang –, la ministre de la Santé a balayé une de leurs inquiétudes concernant d'éventuels dommages collatéraux de la mise en place des ARS. «Il va de soi qu'en aucun cas il ne s'agit de remettre en cause le système conventionnel national, a martelé Roselyne Bachelot. Il est le ciment de l'organisation de la médecine libérale (…) . Vous y êtes attachés. J'y suis attachée. Il n'y a pas lieu de le déconstruire. En tout état de cause, les ARS devront travailler en étroite collaboration avec les professionnels de santé», qui d'ailleurs y «seront représentés», selon des modalités à fixer. Le «décloisonnement» de la ville et de l'hôpital «constitue l'axe majeur» de la réforme des ARS, a-t-elle rappelé, sachant qu'elle est aussi toujours «déterminée à procéder au recentrage sur les soins de premier recours».
Faux débat.
Par ailleurs, la ministre a voulu «clore un faux débat» en tranchant la question de la place de la gestion du risque maladie (outils de maîtrise des dépenses) par rapport aux ARS. En effet, cette dernière diffère nettement dans les deux rapports remis respectivement par le préfet honoraire Philippe Ritter et Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin et rapporteur de la mission d'information « ARS » de l'Assemblée nationale (« le Quotidien » des 30 janvier et 7 février). Roselyne Bachelot a soutenu que la gestion du risque n'est pas menacée par la création des ARS puisque celle-ci «va, au contraire, la renforcer». Il s'agit, pour rechercher plus de cohérence et d'efficience, «d'aller plus loin que le gestion du “risque maladie” en développant, au niveau régional, une véritable gestion du “risque santé” , mettant en cohérence les financements et l'organisation, sans jamais remettre en question le niveau national de l'assurance-maladie, qui continuera de négocier les grandes orientations, ni le niveau local de l'assurance-maladie qui dispose de l'information, de ressources humaines et de gestionnaires remarquablement compétents», a expliqué Roselyne Bachelot.
«Une vraie politique de régulation suppose que le régulateur dispose du financement et de l'organisation des soins», a renchéri le préfet Philippe Ritter, dont le rapport a manifestement la préférence de la ministre. S'il doit y avoir un ORDAM (objectif régional de dépenses d'assurance-maladie), il sera seulement «indicatif» et ne «s'imposera pas», a nuancé cependant l'ancien directeur d'ARH (agence régionale de l'hospitalisation).
En tant qu'économiste de la santé, Claude Le Pen a désapprouvé ce schéma. «Toute la vie économique est fondée sur l'idée qu'il y a d'abord une fonction régulatrice (représentant l'intérêt général) et une fonction de gestion par les opérateurs qui doivent avoir des résultats», a déclaré ce professeur de l'université Paris-Dauphine. « Il est plutôt sain que les fonctions d'organisation et de surveillance soient assez distinctes des fonctions de gestion», a-t-il ajouté. Une vision économique ouvertement partagée par le patron de la Sécu, Frédéric Van Roekeghem, qui a voulu se démarquer d'un débat jugé trop institutionnel. «Si on ne fait pas un peu d'économie sur un secteur qui pèse 11% du PIB, on peut se demander à quoi ça sert!», a ironisé le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM). Frédéric Van Roekeghem estime que «la politique de santé publique doit dépendre de l'Etat mais (qu') elle ne peut pas être uniquement régionale. Penser qu'on puisse gérer le risque maladie uniquement sur l'offre de soins revient à commettre une erreur assez profonde. La gestion du risque doit se faire à la fois sur l'offre de soins ET sur le patient». Et, en la matière, le directeur de l'UNCAM a fait valoir que l'assurance-maladie disposait des outils adéquats (codage des médicaments et des actes techniques) et de «compétences réelles» pour analyser localement le parcours de soins du patient. Alors que pourrait se profiler une étatisation de la santé, il a défendu bec et ongles le savoir-faire de son réseau, que la loi Douste-Blazy de 2004 avait renforcé. Il faut, à ses yeux, «une politique plus professionnelle fondée sur des résultats et non sur des moyens», ce qui «ne relève pas uniquement du niveau régalien» mais d'une «responsabilité partagée» des acteurs du système de soins.
Le député Yves Bur a souligné, pour sa part, qu' «on ne mariera pas par décret les deux cultures, celle de l'administration et celle de la Sécurité sociale». Surtout, prévient l'élu UMP, la mise en place des ARS «mettra plus de temps» que prévu, si bien qu' «on peut oublier allègrement» la date annoncée du 1er janvier 2009.
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