A QUELQUES JOURS du premier tour des élections municipales, Roselyne Bachelot, lors d'une conférence des Amphis de la santé (1), s'est livrée a un exercice délicat : mettre en perspective les réformes structurelles dont elle a la charge (redéfinition du périmètre de l'hôpital public, renforcement de l'offre de premier recours, création des agences régionales de santé…) sans pouvoir en dévoiler le contenu puisque le projet de loi santé qui inscrira ces évolutions n'est pas attendu avant l'été.
Pour la ministre, les changements qui se profilent commandent de «changer de focale» et de repenser l'organisation et le pilotage du système de santé au plus près des besoins du terrain, à l'échelle de la région et même du «territoire». «Nous devons renoncer aux modèles uniques, faire preuve de souplesse et de pragmatisme», résume Roselyne Bachelot.
Gérer mieux pour soigner mieux.
Il convient de redessiner rapidement les contours de l'hôpital public. A la lumière de la mission confiée à Gérard Larcher, cet hôpital sera recentré sur son «coeur de métier», en particulier la «prise en charge des urgences vitales». Des «milliers de lits MCO» ont vocation à être transformés en places d'accueil médico-social, ce qui nécessitera de «faire sauter les cloisons» entre les secteurs (les ARS auront la main pour accélérer ces transferts et cette recomposition hospitalière). Le défi du vieillissement exige surtout de rendre «plus fluides» le parcours des malades entre la ville, l'hôpital, et le médico-social, de développer les soins palliatifs, mais aussi l'hospitalisation à domicile, pour que «ces patients âgés gardent leurs repères». «J'entends les craintes qui s'expriment, déclare Roselyne Bachelot, qui promet de ne pas ''fermer'' d'hôpitaux. Mais nous devons gérer mieux pour soigner mieux.» Nul doute que le débat très politique sur l'accès de chacun au système de santé (qui passe par la redéfinition de la notion de «proximité») rebondira après les élections municipales. «Après le deuxième tour, j'y participerai activement», affirme Roselyne Bachelot.
Parallèlement, les conclusions générales des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS), attendues le 9 avril, devraient apporter un éclairage utile sur les mesures opérationnelles concernant l'offre de premier recours et la répartition des libéraux de santé sur le territoire. Certaines sont connues : maisons de santé, cabinets secondaires, partage des tâches, simplification administrative. Mais aux Amphis de la santé, Roselyne Bachelot a mis en garde : pour lutter contre les déserts médicaux qui avancent, «les incitations sont pour nous une ardente obligation de réussite car 75% de nos compatriotes voudraient des mesures désincitatives ou même coercitives…».
Péréquation.
Les futures ARS suscitent de fortes inquiétudes au-delà du consensus sur le principe.
Se dirige-t-on vers une étatisation de fait ? Roselyne Bachelot a réfuté cette hypothèse et tenté de rassurer sur la méthode. Une «réunion d'information et de concertation» sur les ARS se tiendra en mai prochain, a-t-elle promis, assurant même que les marges de négociations seraient «larges». «Il n'y a pas dans les cartons une réforme toute faite.»
Sans attendre, la ministre a dit sa volonté de confier aux ARS un périmètre d'intervention «large» (ville, hôpital, prévention, volet assurance-maladie du médico-social) mais aussi de vastes prérogatives : des «objectifs d'efficience» seront fixés aux responsables des ARS ; ces structures pourront passer des contrats avec les établissements et les professionnels ; elles devront réguler la démographie, renforcer les politiques de prévention et réorienter les ressources vers des priorités identifiées de chaque population. Un système de péréquation budgétaire devrait être instauré avec la possibilité de «majorer les enveloppes dans les régions où le système de santé est déficient» (à la lumière des indicateurs de morbidité, de mortalité, par exemple).
Aux médecins, Roselyne Bachelot a garanti que la politique conventionnelle, tarifaire et de remboursement resterait «nationale». En clair, «il n'y aura pas de tarifs du C différents selon les régions ou de taux de remboursement différents».
La ministre de la Santé a par ailleurs affiché sa volonté de dénicher de «nouvelles compétences managériales» pour diriger ces ARS aux pouvoirs étendus. Les candidats à ces postes prestigieux ne manqueront pas, notamment dans le vivier habituel de l'administration sanitaire. Mais «il y aura une profonde exogamie dans le recrutement», a prévenu Roselyne Bachelot. Une autre façon d'incarner la volonté de rupture de Nicolas Sarkozy.
(1) Cette manifestation est organisée conjointement par l'Association des cadres de l'industrie pharmaceutique (ACIP), ESSEC Santé et « le Quotidien du Médecin ».
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