Bachelot demande aux médecins de « porter » sa réforme

Publié le 21/09/2008
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LA VISITE fut éclair, mais au moins fut-elle maintenue. En pleine concertation sur son projet de loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires), alors que s'exacerbent les corporatismes et que monte la grogne au sein du corps médical, la ministre de la Santé a tenu à calmer les troupes en se rendant à « Convergences santé hôpital » (1), le colloque annuel organisé par quatre syndicats de médecins et de pharmaciens hospitaliers.

Six cents congressistes l'y attendaient. Aux premiers rangs circulait le discours prononcé par Nicolas Sarkozy trois heures plus tôt. Mais des propos présidentiels, la ministre n'a fait aucun commentaire ; Roselyne Bachelot s'est exprimée sans évoquer l'épisode jurassien. En adoptant le même ton que le chef de l'État, volontariste. Et en se posant en maître du jeu. «Nous ne pouvons plus ne rien faire (...) , nous résoudre aux déserts médicaux et aux déficits (...) . Mon projet de loi a déjà fait couler beaucoup d'encre, mais il est en fait bien mal connu. On s'étonne qu'il ait évolué alors qu'il est le fruit d'une longue concertation», a-t-elle déclaré.

La privatisation de l'hôpital ? «Rien n'est plus faux que ce mauvais procès.» Le rationnement des moyens, la fermeture des petits hôpitaux ? Même réponse. « Sa » loi, comme elle l'appelle, ne crée pas «à la hache une carte hospitalière pour fermer des hôpitaux».

Main tendue.

Après le recadrage, la main tendue. Roselyne Bachelot s'est adressée aux médecins : «Ces changements, a-t-elle lancé, doivent être portés par les professionnels de santé. Eux seuls savent ce qui doit être fait dans l'intérêt des malades. Le projet de loi vise à renforcer les professionnels de santé en ville et à l'hôpital, il fait le pari de leur coopération.»«Les ARS [agences régionales de santé, NDLR] ne sauraient penser à votre place», a jugé bon d'ajouter la ministre. Avant de repartir, elle a annoncé que le futur directoire des hôpitaux devrait être composé d'une majorité de médecins, et qu'une mission va définir la façon dont seront recrutés les médecins contractuels qu'instaurera la réforme.

Ces contrats nouveaux, aux contours encore flous, cristallisent bien des craintes. Le Dr François Aubart, président de la CMH (Coordination médicale hospitalière), ne veut pas d'un «CDD Rustine», prime à «l'opportunité et à la médiocrité». Surtout, il s'inquiète de la «situation schizophrénique» dans laquelle sont plongés les hôpitaux, écartelés entre les exigences de retour à l'équilibre et l'impossibilité, faute de moyens, de respecter des accords pourtant avalisés par le gouvernement. Ainsi du financement des comptes épargnes-temps. «Certains hôpitaux, et pas des moindres, ont dit qu'ils ne paieraient pas, s'émeut le Pr Roland Rymer, président du SNAM-HP (Syndicat national des médecins des hôpitaux publics). Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les PH continuent de stocker leurs jours de RTT, et on va se retrouver avec le même énorme problème de financement dans deux ou trois ans.»

«C'est du travail fait non payé», renchérit le Dr Aubart.

Les hôpitaux ont jusqu'au 30 septembre pour régler la note des CET. À l'évidence, il y aura des PH déçus par leur fiche de paye. Dans ce cas, que valent les promesses gouvernementales, se demandent les syndicats de praticiens. Le Dr Aubart ne dit pas autre chose : «Le non-respect d'un accord national signé par la ministre de la Santé pose un véritable problème de crédibilité.»

(1) La troisième édition du congrès Convergences santé hôpital, organisé par la CMH, le SNPHPU, le SNRPH et le SNAM-HP, s'est déroulée à Toulouse du 17 au 19 septembre. L'édition 2009 se tiendra à Reims.

> DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8423