L'AFFAIRE EST QUASI bouclée. Selon nos informations, c'est un ancien médecin de famille, le député UMP de l'Yonne Jean-Marie Rolland, qui a été « choisi » par ses collègues de la majorité et par le gouvernement pour rapporter à l'automne prochain le délicat projet de loi Santé, patients et territoires déjà surnommé loi Bachelot, et qui comportera cinq grands titres : santé publique et prévention ; soins de qualité pour tous sur le territoire ; établissements de santé ; agences régionales de santé ; biologie médicale.
Son profil très complet de professionnel de terrain (il a exercé la médecine générale en secteur I dans un village de 1 200 habitants), aguerri aux textes médico-sociaux (il fut notamment en charge du volet « maladie » de la loi de financement de la Sécurité sociale et des crédits « santé » de la loi de finances), également rompu aux questions d'aménagement sanitaire du territoire et de planification (il a suivi de près l'affaire de la maternité de Clamecy, dans la Nièvre), est jugé «idéal» pour cette mission à haut risque.Même si quelques autres députés de la majorité, à l'étiquette plus « comptable », rêvaient d'occuper le devant de la scène sur ce texte emblématique du quinquennat Sarkozy. L'intéressé confirme : «J'ai vu à plusieurs reprises Roselyne Bachelot et son directeur de cabinet. J'ai discuté avec mes collègues et Pierre Méhaignerie [président UMP de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale] . On va dire que je suis fortement pressenti. Les députés experts de ces questions se comptent sur les doigts des deux mains et il fallait apparemment un généraliste…» à l'heure où les médecins libéraux s'interrogent sur les répercussions concrètes de cette future loi « santé », qui devra notamment traduire certaines mesures des états généraux (EGOS), le choix d'un généraliste serait en tout cas un premier signal fort. «La charge sera lourde, mais exaltante», nous confie Jean-Marie Rolland.
Les modes de rémunération dans la corbeille ?
Roselyne Bachelot, de son côté, poursuit la concertation sur « sa » loi SPT. Après avoir reçu à la fin de mai les partenaires sociaux (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT et FO pour les salariés, CGPME, MEDEF et UPA pour les employeurs), la ministre a entamé un cycle de rencontres directes «bilatérales» qui se poursuivra jusqu'en septembre avec les acteurs concernés par la réforme (praticiens hospitaliers, médecins libéraux, fédérations hospitalières, patients, etc.). La Mutualité française a ouvert le bal. «L'entretien en forme de tour d'horizon détaillé [sur le système de santé, la médecine de ville, l'hôpital, l'aménagement du territoire, etc.] s'est déroulé dans un excellent climat, estime le président Jean-Pierre Davant, joint par “le Quotidien”. àce stade, il n'y a pas de divergence entre le constat que nous dressons de la situation et celui de la ministre de la Santé. C'est un bon départ…» Entre autres sujets, Roselyne Bachelot et la délégation de la Mutualité française ont longuement abordé la question des dépassements d'honoraires. «Le sujet est incontournable, je ne peux pas faire une réunion avec les adhérents sans que cela ne soit évoqué, argumente Jean-Pierre Davant. Avec la ministre, nous partageons l'analyse que cette situation ne peut pas perdurer.» Pour le président de la Mutualité, il faut assurer à la fois «la juste rémunération des professionnels», «l'accès aux soins pour chacun sur tout le territoire» et «la transparence des tarifs».
Ce n'est pas tout. Lors de cet échange, la FNMF a plaidé pour la mise en place de nouveaux modes de rémunération des médecins libéraux. «Je n'ai pas eu le sentiment d'un désaccord», commente son président.
Au chapitre de la qualité des soins, la ministre aurait affiché son intention d'évoluer plus rapidement vers une culture de l'évaluation des pratiques professionnelles.
Inquiétudes.
Les réunions préparatoires vont se poursuivre, et même s'accélérer. «La concertation est permanente», corrige-t-on dans l'entourage de Roselyne Bachelot. L'Association des maires de France (AMF) a été reçue cette semaine. Le ministère de la Santé, qui sait que la loi Bachelot comportera plusieurs points « durs » (le volet des agences régionales de santé est jugé le plus délicat), voudrait rallier un maximum de partenaires sur les objectifs et les grandes lignes de la loi avant la rentrée. C'est pourquoi les conseillers de Roselyne Bachelot s'activent en coulisses et tentent de déminer le terrain. « Cela bouge énormément, il y a un lobbying intensif des uns et des autres, confie un député de la majorité. Les plus inquiets à ce jour se trouvent dans les services déconcentrés de l'État, du côté de l'assurance-maladie et dans les régimes dits secondaires, MSA (régime agricole) et RSI (indépendants). Chacun se demande à quelle sauce il sera mangé avec les ARS. Quant aux médecins, ils sont au minimum dubitatifs…»
Les députés devraient également être soignés dans cette phase préparatoire. Des séances d'explication en petit comité sont prévues en juin au ministère avec les parlementaires «concernés», c'est-à-dire les spécialistes santé de la majorité. Roselyne Bachelot ne défendra sa loi qu'à l'automne, mais les grandes manoeuvres ont commencé.
Secteur II : le PS veut un encadrement strict
Pendant que Roselyne Bachelot conduit la concertation en vue du projet de loi santé, le Parti socialiste « politise » la thématique des dépassements d'honoraires (qui devrait être traitée dans la contribution santé préparatoire au congrès). «Pour nous, il y a un vrai problème,explique le Dr Claude Pigement, responsable national à la Santé au PS. La dérive est réelle qui, à côté des forfaits et des franchises, ampute le pouvoir d'achat des assurés sociaux.» S'il ne confond pas les dépassements «autorisés» et les pratiques «sauvages», ce responsable estime que l'usage du DE (dépassement pour exigence particulière de temps et de lieu) est trop souvent détourné par les médecins de secteur I. «Nous demandons à la CNAM de contrôler le bon usage du DE.» En secteur II, où le tact et la mesure «ne sont pas toujours respectés, loin s'en faut», le PS rejoint le CISS (Collectif interassociatif sur la santé - usagers) pour réclamer un «encadrement strict» des dépassements. Quant au projet de décret sur les devis prélalables obligatoires (pour les actes de consultation à partir de 80 euros), le PS y voit un «gadget».
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