LA PREMIÈRE ÉTAPE du marathon des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS) s'est achevée avec la reprise en main « politique » du dossier par Roselyne Bachelot. Clôturant à Paris, devant plusieurs centaines d'invités (médecins, élus, usagers, experts...), cette phase de concertation centrée sur la «médecine générale de premier recours», la ministre de la Santé s'est directement inspirée des propositions du groupe permanent de concertation (document détaillé de 14 pages sur www.quotimed.com), en privilégiant la carotte au bâton.
A un mois des élections municipales, il était certes difficile de rudoyer le corps médical, et en particulier les jeunes médecins, en écornant la liberté d'installation. Pas question, donc, de remettre en cause «les principes fondamentaux de la médecine libérale», a rassuré Roselyne Bachelot.
C'est pourquoi le recours éventuel à la coercition dans les zones surdotées n'est évoqué par la ministre que du bout des lèvres, et renvoyé à plus tard. «Vos débats nous conduisent à ne pas exclure d'envisager, de manière ciblée, et dans des cas très spécifiques, des mesures de régulation respectueuses de la solidarité intergénérationnelle dans les zones très surdotées». L'éventualité d'une diminution de la prise en charge des cotisations sociales par l'assurance-maladie ou d'un encadrement du secteur II dans les zones surmédicalisées n'est donc pas à l'ordre du jour. Du coup, Michel Régereau, président (CFDT) de la CNAM, partisan de mesures plus autoritaires (comme beaucoup d'élus locaux) est resté sur sa faim. «J'aurais souhaité que ça aille un peu plus loin…». La profession médicale, elle, ne s'y trompe pas, qui a accueilli favorablement, avec certes quelques nuances, les conclusions de cette première synthèse. La ministre a en effet repris à son compte la plupart des mesures plutôt consensuelles discutées depuis trois mois. Etat des lieux des principales pistes à l'étude.
Place au nouveau médecin généraliste de premier recours (MGPR)
C'est une nouveauté qui n'est pas de pure sémantique. A la demande des jeunes médecins et de MG-France, le métier de médecin généraliste de premier recours (MGPR) sera enfin défini et explicité noir sur blanc dans le code de la santé publique, avec l'ensemble de ses activités et missions. Ce médecin, déclare Roselyne Bachelot, devra par exemple «assurer la prise en charge médicale de premier recours (...) , y compris dans les hôpitaux locaux et dans les structures d'hospitalisation à domicile», ce qui passe par des ajustements statutaires . Il devra aussi «faire de la prévention et participer à la permanence des soins du territoire de santé».
La formation initiale de ce MGPR sera adaptée «dès la première année» et tout au long du cursus (stages),la filière de médecine générale sera «renforcée» (capacités formatrices, enseignants…)et le DES de médecine générale «revalorisé». A moyen terme, l'idée est de promouvoir un recrutement plus «interrégional», adapté aux besoins de santé locaux.
Accompagnement: guichet unique d'installation et exercice regroupé
Le gouvernement veut soutenir systématiquement l'offre de soins de premier recours dans les zones sous-dotées ou fragiles. Tout le monde s'accorde sur le principe d'un guichet unique régional « facilitateur » de l'installation qui devrait être placé auprès des futures des agences régionales de santé (ARS).
Parce que les jeunes boudent l'exercice solitaire, le regroupement des professionnels (sous toutes ses formes) sera encouragé et «assorti des aménagements juridiques et déontologiques nécessaires». La ministre de la Santé a également promis de conforter les statuts de «collaborateur libéral et collaborateur salarié».
L'installation de cabinets secondaires, mais aussi l'exercice à temps partiel (en complément d'un temps partiel hospitalier) devrait être soutenu, avec la bénédiction de l'Ordre. Roselyne Bachelot promet dans le même registre d'aider financièrement dès 2008 la création de 100 maisons de santé pluridisciplinaires «à hauteur de 50000euros par projet».
Mais ces projets devront répondre à un «cahier des charges minimum» validé par les pouvoirs publics. Au sein de ces maisons pluridisciplinaires, les médecins devraient pouvoir mutualiser les fonctions «supports» (secrétariat, informatisation, formulaires...).
Pour encourager la première installation des jeunes dans les zones sous-médicalisées, Roselyne Bachelot reprend l'idée de «contrats d'engagement entre les étudiants en médecine et les collectivités territoriales», qui existent déjà, mais sans aucune coordination.
Aménagement du territoire: vers des schémas régionaux du premier recours
Le gouvernement se range à l'idée d'une nouvelle stratégie d'aménagement territoriale de l'offre de soins, qui dépendra aussi du nouveau périmètre d'intervention de l'hôpital public (mission confiée à Gérard Larcher). A moyen terme, les futures agences régionales de santé (ARS couvrant les soins de ville, l'hôpital, la prévention, le médico-social...) pourraient définir des «schémas régionaux d'aménagement de l'offre de soins de premier recours», tenant compte des flux de population et des besoins de santé locaux.L'objectif est aussi d'aider les médecins à monter plus facilement des «projets locaux de santé», en partenariat avec les collectivités territoriales, à l'échelon des «bassins de vie et des pays».
Cette première synthèse sera complétée par les travaux d'un deuxième groupe incluant, dès cette semaine, les médecins spécialistes et les professions paramédicales. Les conclusions générales des EGOS, début avril à Paris, fixeront le cadre des négociations conventionnelles et inspireront le projet de loi sur la modernisation de la santé, à l'été 2008. Roselyne Bachelot a en tout cas bon espoir d'aboutir à «une des plus importantes réformes de notre système de santé depuis la loi de 1958».
La CSMF revient à la charge sur le secteur optionnel
Nicolas Sarkozy ayant exigé que les Etats généraux de l'organisation de la santé (EGOS) débouchent sur des mesures «en matière de régulation des dépassements d'honoraires», la CSMF revient à la charge avec une «solution simple»: la création du secteur optionnel. Ce nouveau secteur tarifaire devra autoriser certaines spécialités à facturer des compléments d'honoraires encadrés et remboursés aux patients (principalement par les complémentaires santé) en échange d'une démarche qualité. De longues discussions avaient été engagées en 2007 sur ce dossier très politique avant d'être suspendues lors de la campagne présidentielle. Des contacts ont été renoués récemment, mais la CSMF voudrait «concrétiser dans les semaines qui viennent». Elle propose de reprendre les «négociations» sur ce dossier entre les syndicats médicaux, l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM) et l'Union nationale des organismes complémentaires (UNOCAM).
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