Les décrets d'attribution des ministères sociaux

Bachelot au chevet des médecins, Woerth, grand argentier de la Sécu

Publié le 31/05/2007
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IL FAUDRA s'y faire : pas moins de trois ministres (Eric Woerth, Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand) tiendront, à titres divers, les leviers de la Sécu. Précieux, pour mesurer les rapports de forces au sein du nouveau gouvernement, objets de longues tractations à Matignon et à l'Elysée, les décrets d'attribution des portefeuilles sociaux sont désormais connus. Et, au-delà de la dissociation opérée entre la santé et les comptes publics, qui réserve à Bercy le pilotage des finances de la « Sécu », on comprend un peu mieux qui fera quoi. Même si on peut penser que les tempéraments des ministres concernés compteront et que les choses se préciseront avec le temps.

Contrairement à ce que certains avaient affirmé, Roselyne Bachelot (Santé, Jeunesse et Sports) n'a pas été « dépouillée ». Elle lorgnait sur l'assurance-maladie, au budget considérable (145 milliards d'euros) ? Elle sera bien en première ligne sur ce dossier : c'est elle qui «prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement relative à la santé publique, à l'organisation du système de soins, à l'assurance-maladie et la maternité». Elle aussi qui sera responsable de toute la chaîne des soins (dont le volet prévention qui va prendre de l'ampleur), y compris son versant hospitalier. Elle sera compétente «en matière de professions médicales et paramédicales», précise son décret d'attribution.

On peut donc penser que, à l'automne prochain, Roselyne Bachelot défendra au Parlement le délicat volet maladie du Plfss (projet de loi de financement de la Sécu) et sera l'interlocutrice très régulière des médecins (y compris pour entendre leurs doléances conventionnelles et tarifaires). Des contacts ont d'ailleurs été pris avec certains syndicats, et les rencontres devraient commencer rapidement. Son décret d'attribution précise que Roselyne Bachelot a autorité sur la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos).

A Woerth les arbitrages et les recettes.

En pratique, cette autonomie risque néanmoins d'être toute relative. Car, à Bercy, Eric Woerth, garant des comptes publics et de la stratégie pluriannuelle, sera désormais le seul grand argentier de la Sécurité sociale. Aucune décision financière importante ne pourra être prise sans son aval. C'est lui qui procédera aux grands arbitrages, notamment sur l'Ondam 2008 (objectif national des dépenses d'assurance-maladie), qui est crucial, et sur les fameux taux directeurs réservés à chaque secteur de soins (soins de ville, hôpital…). Faut-il y voir un signe ? Le décret d'attribution réserve à Eric Woerth la charge de la «préparation» et de l' exécution» des lois de financement de la Sécurité sociale (Lfss) , «en liaison» avec Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand (qui, pour sa part, garde la main sur les branches vieillesse, famille et accidents du travail-maladies professionnelles, et conduira la politique en faveur des personnes handicapées).

Quant à la direction de la Sécurité sociale (DSS), objet de bien des convoitises, elle a été placée sous la triple tutelle d'Eric Woerth, de Xavier Bertrand et de Roselyne Bachelot (de même que la très utile Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques-Drees).

Dans cette organisation collégiale, les « financiers » auront-ils systématiquement le dernier mot ? L'expérience le dira. Mais c'est un ménage à trois qui a été placé par Nicolas Sarkozy au chevet de la Sécu, laissant néanmoins les cordons de la bourse et le coffre-fort à Bercy. Selon le décret, Eric Woerth «est responsable de l'équilibre général des comptes sociaux et des mesures de financement de la protection sociale». Difficile d'être plus clair : il sera aux manettes pour trouver de nouvelles recettes pour la Sécu (dont la TVA sociale qui devrait être expérimentée dès 2008). Et si Roselyne Bachelot s'est déjà exprimée à propos des futures franchises sur les dépenses de soins (« le Quotidien » du 30 mai), on peut être certain que Bercy sera très attentif au rendement financier de cette réforme, à l'heure où (voir ci-contre) la branche maladie « dérape » de 2 milliards d'euros en 2007.

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8176