DEPUIS TOUJOURS, Babylone a nourri tous les mythes, tous les fantasmes, toutes les paraboles possibles. Grande capitale politique et culturelle, la ville qui fait «le lien entre le ciel et le monde inférieur» a légué un immense héritage culturel. Comment Babylone est-elle devenue une légende ?
L'exposition du Louvre, érudite et très complète dans les nombreux panneaux explicatifs qui la jalonnent, livre dans un premier temps une histoire de Babylone. Elle s'ouvre sur le règne du roi Hammurabi, «souverain idéal», conquérant, diplomate, qui posa les fondements du royaume de Babylone (un territoire correspondant à la Mésopotamie historique). Sous sa domination, la ville des bords de l'Euphrate devient une grande puissance politique, religieuse, commerciale et culturelle. Le visiteur découvre les vestiges de certains temples construits à cette période, les stèles de pierre, les petites têtes de divinités en terre cuite, les tablettes, les pendentifs richement décorés de symboles astraux et divins. On remarquera particulièrement ici la somptueuse « Reine de la nuit » (une plaque à décors en relief représentant une déesse ailée aux pieds en serres d'oiseaux), « l'Adorant de Larsa », une figurine en cuivre dont le visage et les mains sont plaqués or, et le célèbre « Code d'Hammurabi », une stèle de deux mètres de haut rendant hommage au «roi de justice».
Le centre cosmique.
Durant la deuxième moitié du IIe millénaire avant J.-C., Babylone conforte son statut de ville rayonnante. La langue babylonienne se propage à travers tout le Moyen-Orient, de l'Iran à l'Egypte (dans l'exposition, beaucoup de plaques remplies de textes rappellent que la littérature babylonienne est issue des Sumériens).
Mais c'est sous le règne de Nabuchodonosor II (605-562 avant J.-C.) que la cité est à son apogée. Babylone, qualifiée de «centre cosmique», connaît une splendeur inégalée. Fragments de briques, amulettes, amphores, colliers et sceptres témoignent des fastes et du niveau de raffinement de l'époque. Les fragments d'un remarquable décor architectural de briques à glaçures colorées déclinent les symboles de la mythologie babylonienne : le lion (attribut d'Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre), le dragon (symbole de Marduk, dieu de la ville), le taureau d'Adad (dieu de l'orage). En 539 avant J.-C., la ville est conquise par Cyrus le Grand et perd son indépendance, mais demeure une brillante capitale culturelle (on remarquera les étonnantes et très originales statuettes d'« enfant assis », de « femme nue aux bras articulés » et de « petits masques de comédie »).
L'héritage de Babylone est considérable. La littérature, la politique, les lois, le système des poids et des mesures, l'astronomie, la divination, l'architecture, sont autant de disciplines que la cité a transmises au fil des âges, autant de domaines qu'elle a explorés, défrichés, maîtrisés.
Les mythes babyloniens.
L'exposition pourrait s'arrêter là. En plusieurs salles, l'histoire de Babylone, de sa naissance à son déclin, y est en effet remarquablement illustrée. Mais le parcours continue et nous entraîne, après l'Histoire, dans la légende et dans le rêve.
Les mythes babyloniens se développèrent durant des siècles et continuent à hanter les esprits. La tradition biblique fit de Babylone (Babel) la ville maudite, symbole du mal et de la décadence. Au contraire, la tradition classique et historique hissa la ville au sommet, et contribua à véhiculer l'image, vraie ou fausse, d'une Babylone somptueuse, aux jardins suspendus, aux murailles imprenables, à la tour légendaire, théâtre de multiples épisodes (l'histoire de la reine Sémiramis, de Sardanapale…). Au XVIe siècle, on redécouvre Babylone. Plus tard, on s'y rend. L'exposition montre comment les voyages, sans pour autant abolir les mythes, ont permis de fixer une image plus précise de Babylone. La fin du parcours regorge de curiosités passionnantes : « la Tour de Babel » de Bruegel (qui côtoie d'autres peintures fantasmagoriques de la tour), des toiles symbolistes du XIXe siècle, des esquisses du projet de Frank Lloyd Wright, qui voulait dans les années 1950 créer à Bagdad de nouvelles constructions à l'image de Babylone…
L'intérêt historique et artistique de cette belle exposition le dispute à son pouvoir d'évocation. Cette plongée dans l'histoire d'une civilisation enfouie est à la fois un enseignement et un rêve.
Musée du Louvre, hall Napoléon, tél. 01.40.20.53.17. Tlj sauf mardi, de 9 heures à 18 heures (mercredi et vendredi jusqu'à 22 heures). Entrée : 9,50 euros (billet collections permanentes + expo : 13 euros avant 18 heures ; 11 euros après 18 heures les mercredi et vendredi). Jusqu'au 2 juin. Catalogue, sous la direction de Béatrice André-Salvini, coéditions musée du Louvre/Hazan, 580 p., 42 euros.
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