Pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Fédération des cercles d'études des gynécologues obstétriciens des centres hospitaliers, seul un renforcement des restructurations peut aider à lutter contre la pénurie en personnel et les problèmes d'insécurité sanitaire.
Il manque 3 500 obstétriciens d'après le CNGOF. Et regrouper le personnel dans les grosses structures permettrait non seulement de résoudre ce problème démographique, mais aussi de réduire le taux français de décès maternel par hémorragies, un des plus élevés d'Europe (30 %). Or ces décès sont évitables dans 80 % des cas.
Faux débat, tranche la Fédération nationale des maternités et hôpitaux publics de proximité (FNMHPP), pour qui la sécurité maternelle et périnatale est parfaitement assurée dans les petites maternités. Pour affirmer cela, le Dr Casimir Muszynski, président de la FNMHPP, s'appuie sur une étude menée en 1995 par sa Fédération sur un échantillon de 174 000 naissances. « Etre tout sécuritaire, c'est donner à chacun la possibilité d'accoucher près de chez soi, et non fermer encore plus de maternités », précise-t-il, arguant du fait que, dans le deuxième cas de figure, le risque est que les femmes accouchent dans l'ambulance ou à leur domicile faute d'avoir pu être transportées à temps dans un établissement éloigné. Le Dr Muszynski dénonce une « politique de santé capitalistique où seuls les citadins comptent, et où les rats de campagne sont les laissés-pour-compte ».
André Robert, secrétaire général de l'Association des petites villes de France (APVF), partage son scepticisme et son inquiétude. « Les propos de Mattei sont dans la suite logique des « décrets guillotine » de Kouchner, qui, au nom de la sacro-sainte sécurité sanitaire, ont conduit à la fermeture de maternités ayant une petite activité », déplore-t-il.
Une cinquantaine de maternités ont effectivement fermé boutique depuis 1998, date de parution des deux décrets de l'ancien ministre de la Santé, Bernard Kouchner, qui a souhaité par là mettre l'accent sur la sécurité périnatale. Ces textes ont défini des normes précises d'encadrement et d'équipements techniques, et ont fixé à 300 accouchements par an l'activité minimale pour maintenir l'ouverture d'une maternité. Pour le CNGOF, le lien entre les fermetures de maternités et ces nouvelles réglementations n'est pas si évident. « Seule une quinzaine de maternités publiques ont fermé à cause des décrets par décision administrative, précise le Pr Bruno Carbonne, secrétaire général du CNGOF. Les quarante autres étaient privées, et ont disparu faute de rentabilité ». Pour le CNGOF, force est de constater que, plus de quatre ans après, « les décrets ne sont pas appliqués faute de moyens alloués pour leur mise en œuvre », et qu' « aucune des maternités françaises n'est en conformité avec les textes réglementaires ».
Un seuil de trois accouchements par jour ?
A ce jour, une soixantaine d'établissements, qui réalise moins de 350 accouchements par an, n'ont pas fermé, d'après Bruno Carbonne. Et encore, le seuil de 300 accouchements par an n'est sans doute pas suffisamment élevé, poursuit-il. Avec ses confrères du CNGOF, issus de tous les horizons, petites et grosses maternités, publiques et privées, il a estimé que trois accouchements par jour est le minimum à réaliser pour qu'une équipe garde la main. Soit une moyenne de mille par an. « Certes, cela semble peu réalisable, ce n'est d'ailleurs pas souhaitable, commente le Pr Carbonne, mais cela donne à réfléchir. »
Pour André Robert, qui défend les petites villes, « la course à la concentration et au gigantisme n'est pas souhaitable en matière de santé publique ». Et puis, déplore-t-il, rien ne garantit que les emplois seront maintenus dans les villes où les plateaux techniques seront supprimés. Les politiques planchent sur les contreparties à leur donner. Le CNGOF propose que les futurs centres de proximité assurent le suivi prénatal en plus de l'accueil des mamans le lendemain de leur accouchement, ce qui fournirait suffisamment de travail au personnel restant.
Peine perdue, pense le Dr Muszynski. « Les petites maternités ne parviendront pas à se reconvertir, surtout si les médecins s'en vont dans les grosses maternités. » Cette proposition de création de centres de proximité, irréalisable à ses yeux, cache pour lui une tout autre réalité. « Cela confirme ce que j'ai entendu dire : Jean-François Mattei projette de fermer 600 lits de maternité d'ici à 2004. »
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