«NOUS AVONS un accueil favorable de tous les interlocuteurs», se réjouissait Christian Babusiaux, conseiller maître à la Cour des comptes et président de l'Institut des données de santé (IDS), après la deuxième assemblée générale du groupement d'intérêt public. Autour de la table : l'Etat, les régimes d'assurance-maladie obligatoires et complémentaires, représentés par l'Unocam (Union nationale des organismes complémentaires), les professionnels de santé, représentés par l'Union nationale des professionnels de santé (Unps), les patients, représentés par le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), les hôpitaux via les fédérations hospitalières, ainsi que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (la Cnsa, qui reçoit le produit du lundi de Pentecôte travaillé). Bref, des centaines de milliers d'acteurs dans un système libéral. Ce qui explique que la gestation du GIP ait été longue (l'IDS était prévu par la loi sur la réforme du système de santé d'août 2004). «L'expérience montre que l'univers de la santé est complexe par nature et que les projets y mettent beaucoup de temps à aboutir.» La gestation aura permis de rapprocher les points de vue et d'exprimer les besoinscar l'IDS correspond à une attente : «Chacun des acteurs ne dispose que de ses propres données, alors que le cheminement du patient est de plus en plus diversifié.»
Budget de démarrage : 600 000 euros.
La première tâche du GIP qui dispose dès 2007 d'un budget de démarrage de 600 000 euros (qui doit doubler en 2008) est de bâtir la méthodologie de l'accès aux données. D'un côté, les téraoctets (les ouvrages d'une bibliothèque universitaire représentent 2 téraoctets) du Sniiram (le système national d'information interrégimes de l'assurance-maladie). De l'autre, des données rassemblées par les complémentaires qui seront mises à la disposition de l'assurance-maladie. La Mutualité qui joue les pilotes a déjà élaboré son projet : le système national de données mutualistes (Sndm) dont les premiers choix techniques vont être testés avec les mutuelles volontaires. Les données seront, bien sûr, anonymisées.
Pour l'accès aux données, le GIP travaille sur le principe d'échantillons stratifiés (par strate représentative, tous les cadres de plus de 40 ans, par exemple) constitués chez les différents partenaires, «ce qui permettra de développer les échanges entre les fichiers».Christian Babusiaux souhaite que soient déposés à la Cnil à la fin 2007 les premiers cas concrets. «Nous allons tester des méthodologies statistiques et régler les questions juridiques qui peuvent se poser pour éviter les études trop précises qui rendraient les données indirectement nominatives.» Le GIP veut mettre en place une offre de services pour l'accès aux données en proposant soit de la formation, soit l'élaboration des requêtes.
La Haute Autorité de santé (HAS) et les unions sont aussi destinataires des études, ainsi que les syndicats via l'Unps. Une complémentaire pourra tester la typologie d'un contrat comme l'on pourra lancer des études sur les affections de longue durée ou la dépendance. L'arrivée de la Cnsa au GIP montre en effet combien cet organisme connaît encore mal la cible qui reçoit ses aides. «On ne sait pas comparer les coûts des aides à domicile face à ceux des maisons de retraite», explique le président de l'IDS, qui, par ses fonctions à la Cour des comptes, observe la croissance des montants de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) : 10 % par an et 9 % sur les quatre premiers mois de 2007. «Encore mitoyen, le problème de la dépendance va se développer.» D'une façon générale, les échanges de données devraient permettre une gestion de plus en plus partagée du système de santé et améliorer les outils des politiques de santé. Qui peut mesurer aujourd'hui les impacts d'une éventuelle franchise ?
Les traditionnelles négociations conventionnelles devraient y gagner en transparence. Le temps des soupçons serait-il enfin révolu ? Le mouvement de partage des données de santé semble en tout cas bien enclenché.
Un échange à trois niveaux
Le mouvement de partage des données de santé s'étend aujourd'hui dans trois directions :
•Le dossier médical personnel (DMP) va partager entre les professionnels de santé autorisés les données médicales d'un patient. Le dossier pharmaceutique (DP), tenu par les pharmaciens, tient à jour la consommation de médicaments du patient.
• Les expérimentations Babusiaux, préparées en suivant les recommandations du rapport éponyme (juin 2003), vont permettre aux complémentaires d'obtenir des informations sur la consommation de soins de leur clientèle afin de devenir des « payeurs avisés ». Après avis de la Cnil, trois expérimentations ont lieu cette année. Depuis quatre mois, trois pharmacies mutualistes (Fnmf) de Troyes et de Reims envoient à quatre mutuelles les codes des médicaments (après anonymisation des adhérents). Un deuxième site est prévu en septembre en Côte-d'Or avec des pharmacies libérales.
Du côté des compagnies d'assurances, Axa a débuté en juillet avec des pharmaciens une expérimentation avec anonymisation des données qui doit toucher 5 000 pharmacies dans dix départements tandis que Groupama s'apprête à travailler avec les opticiens. Swiss Life, enfin, va tester à Cambrai la transmission de données détaillées (prestations de dépistage et de prévention) après consentement exprès de l'assuré grâce à l'utilisation d'une carte à puce.
• La création de l'IDS offre un accès à des données statistiques sur la consommation globale de soins (remboursé, non remboursé, en ville comme à l'hôpital).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature