LUNDI 6 DECEMBRE, 15 heures : c'est sur le parking d'un centre commercial de Perpignan, proche de l'autoroute menant à Barcelone, que les membres de la Cnamlib et les spécialistes en grève se sont donné rendez-vous. Des médecins spécialistes de secteur I en provenance de toute la France y sont attendus.
Jusqu'à environ 16 heures, le parking est presque vide, et on peut lire sur le visage des organisateurs de l'opération une certaine nervosité. Et puis, presque d'un coup, les voilà qui arrivent, et le parking qui peut contenir des centaines de voitures et des dizaines d'autocars commence à se remplir. Une foule colorée, autant d'hommes que de femmes, envahit les lieux. Toutes et tous avec des banderoles ou des calicots, souvent à la recherche d'un confrère ami, perdu dans la foule qui commence à se faire compacte. Déjà, des forums improvisés ont lieu, des slogans sont testés, et si l'impression générale qui domine est celle d'une certaine improvisation, la bonne humeur est au rendez-vous.
Manif' spontanée.
Arrivent bientôt les cars venant de Toulouse, amenant avec eux, outre les spécialistes du Sud-Ouest, Maïthé Alonso, présidente de la Cnamlib, et Bernard Cristalli, le secrétaire général du mouvement. Entourés de 150 spécialistes, ils ont déposé, quelques heures auparavant, une gerbe devant la mairie de la ville rose à l'attention de Philippe Douste-Blazy, ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, et élu maire de Toulouse en 2001.
Le temps devient franchement frais sur le parking perpignanais. Faute de pouvoir entrer dans les autocars qui ne sont pas encore prêts, la foule des spécialistes improvise une manifestation spontanée, s'organisant en un long ruban humain tournant en rond dans le vaste parking, sous l'œil un peu étonné des passants, peu habitués à voir de si nombreux médecins manifester comme des étudiants.
Le Dr Bernard Cristalli paraît satisfait et murmure, comme pour lui-même : « J'aurais dû venir avec ma mère, elle aurait été contente. »
Vingt-sept cars.
Le signal du départ est rapidement donné et, en un joyeux désordre, la foule s'engouffre dans les 27 autocars présents ; ceux qui ne peuvent y trouver place sont accueillis dans les nombreuses voitures particulières qui se joignent au convoi. Maïthé Alonso prend place dans un des cars, accompagnée par le Dr Jean Leid, secrétaire général de l'Apos 2 (Association pour l'ouverture du secteur II). Dans le car, les discussions vont bon train. Le Dr Guy Blasco, médecin-rééducateur, donne le « la » : « Nous allons à Barcelone pour que, enfin, il y ait une prise de conscience de nos problèmes par le ministre de la Santé. C'est aussi un avertissement pour les responsables des centrales syndicales traditionnelles qui ne représentent absolument pas les spécialistes de secteur I et qui n'ont aucune idée de nos problèmes. »
Un médecin anesthésiste précise : « Un certain nombre d'actes que nous effectuons vont être qualifiés dans la nouvelle nomenclature de facultatifs ; si nous rencontrons, demain, un problème en les effectuant et si le patient se retourne contre nous, le juge aura beau jeu de nous demander pourquoi nous avons effectué cet acte qualifié de facultatif. »
Un ophtalmo s'emporte : « Les médecins n'ont d'autre choix que de respecter la convention, alors que les caisses s'en moquent ; il était prévu des revalorisations de nos actes qui ne sont jamais intervenues. Les sanctions devraient être à double sens. » Puis il indique : « Il ne faut pas dire que nous allons à Barcelone pour obtenir uniquement une revalorisation de nos honoraires ; ce qui nous motive, c'est d'avoir les moyens d'exercer une médecine de qualité. »
Un projet monté en deux mois.
Quant à Maïthé Alonso, petit bout de femme débordant d'énergie et à l'œil pétillant, elle ne cache pas sa satisfaction : « Je suis fière de participer à ce mouvement de solidarité des spécialistes, d'autant que nous avons tout organisé en un éclair ; le projet est né le 5 octobre, nous avons tout monté en deux mois. »
Puis, sur un mode plus politique, elle ajoute : « C'est vrai que l'absence d'accord pour la convention nous donne du poids ; les politiques et les syndicalistes vont être obligés de nous prendre en considération. »
Des discussions s'improvisent un peu partout dans le car ; les sujets qui reviennent le plus sont celui du dossier médical partagé (DMP), qui fait craindre aux spécialistes une perte de confidentialité, et le dispositif du médecin traitant, qui va provoquer, selon eux, outre une perte de temps et d'argent, un retard qui peut être grave dans l'établissement du diagnostic. « Ce qui est important, répètent-ils tous, c'est de pouvoir exercer dignement une médecine de qualité. »
La journée a été longue pour tous, et, après une heure de route, environ à mi-trajet entre Perpignan et Barcelone, la moitié des passagers du car dorment à poings fermés.
A l'arrivée à Barcelone, c'est le succès : une télévision catalane est sur place. Maïthé Alonso ramasse ses souvenirs d'espagnol et tente de faire comprendre aux journalistes les motifs de l'opération « Exil à Barcelone ».
Quand les responsables de la Cnamlib peuvent enfin descendre du car pour rejoindre leur hôtel, il est près de 23 heures, et personne n'a encore dîné. Mais leur journée n'est pas achevée. Il leur reste à se réunir une dernière fois avant le grand rassemblement au palais des Congrès de Barcelone, réservé pour l'occasion. Il s'agit d'accorder les violons et de parler d'une seule voix.
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