Les ressources thérapeutiques après accident ischémique cérébral peuvent difficilement être qualifiées de satisfaisantes. Le TPA recombinant, seul traitement admis par la FDA en phase aiguë de l'accident, doit être administré dans les trois heures qui suivent l'installation de l'ischémie et comporte des risques hémorragiques. Nombre d'autres approches pharmacologiques ont été testées. Mais des résultats encourageants chez l'animal se sont constamment transformés en déception clinique. C'est notamment le cas des stratégies de neuroprotection, fondées sur des molécules ciblant des récepteurs aux neurotransmetteurs ou des canaux ioniques.
Une stratégie alternative, envisagée depuis longtemps, consiste à limiter l'action neurotoxique des radicaux libres, produits en abondance lors de la reperfusion.
L'action toxique des radicaux libres
Concrètement, le problème vient de la barrière hématoencéphalique, que la plupart des antioxydants ne franchissent pas, même lorsqu'elle se trouve partiellement interrompue par l'ischémie. Une exception toutefois : l'acide déhydroascorbique (DHA), produit de l'oxydation réversible de la vitamine C. Un mécanisme de transport actif de l'acide DHA a été décrit, ainsi que son passage à travers la barrière hématoencéphalique, et sa transformation en acide ascorbique dans le cerveau. L'acide DHA apparaît donc comme un candidat possible dans une stratégie antioxydante à visée cérébrale.
Les auteurs américains ont testé son efficacité dans un modèle murin d'ischémie transitoire (45 minutes) ou permanente (24 heures). L'acide DHA a été administré en I.V., à différentes doses (40, 250, 500 mg/kg), immédiatement avant l'occlusion, 15 minutes après, ou 3 heures après. Des expériences contrôles ont par ailleurs été menées, avec injection d'une solution neutre ou d'acide ascorbique.
Avec des molécules marquées, les auteurs ont d'abord vérifié la perméabilité de la barrière hématoencéphalique à l'acide DHA. Effectivement, 4 % environ du bolus est retrouvé dans le cerveau, alors qu'avec l'acide ascorbique seules des traces peuvent être détectées. Les expériences menées sur le modèle murin ont ensuite confirmé que l'effet antioxydant de l'acide ascorbique, lorsqu'il est exercé directement dans le cerveau, limite l'étendue des lésions postischémiques.
Une ischémie transitoire, précédée de l'administration de 250 mg/kg d'acide DHA, se solde ainsi, 23 heures plus tard, par un volume infarci de 15 %, contre 53 % et 59 % respectivement avec la solution contrôle et l'acide ascorbique. Quant à la mortalité des animaux, elle diminue de près de 50 % avec le traitement par acide DHA. On remarque que des résultats analogues sont obtenus en l'absence de reperfusion, dans le modèle d'ischémie permanente. L'observation fragilise l'interprétation associant la libération de radicaux libres à la reperfusion. Elle est néanmoins intéressante dans la perspective d'une éventuelle utilisation du traitement sur le terrain, avant toute tentative de thrombolyse à l'hôpital.
L'administration de l'acide DHA après occlusion - ce qui serait évidemment le cas sur le terrain - améliore également la récupération, de manière dose-dépendante, que le délai d'administration soit de 15 minutes ou de 3 heures.
Volume de l'infarctus diminué d'un facteur 6 à 9
Ainsi, des doses de 250 mg/kg ou 500 mg/kg, administrées 3 heures après l'occlusion, réduisent le volume de la lésion d'un facteur 6 et d'un facteur 9 respectivement. A la dose de 500 mg/kg, la zone lésée se limite à 5 %.
Les auteurs insistent enfin sur l'absence de risque hémorragique associé au traitement. Pour le moment, il faut naturellement se méfier de toute extrapolation de ces résultats à l'homme : trop de déceptions ont été enregistrées lors du passage à la clinique. Il est toutefois probable qu'un certain nombre de ces échecs sont liés à des problèmes de dose, et plus exactement, d'effets secondaires limitant la dose. En ce sens, l'absence d'effet hémorragique de l'acide DHA est un point encourageant. En attendant une confirmation des résultats, et d'éventuels essais chez l'homme, la preuve est au moins faite que des antioxydants franchissant la barrière hématoencéphalique constituent une piste pour tenter de limiter les lésions liées à l'ischémie cérébrale.
J. Huang et coll. « Proc Acad Natl Sci USA », vol. 98, n° 20, 25 septembre 2001.
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