Des études de population ont montré qu'il existe un lien entre la qualité des lipides présents dans l'alimentation et le risque de maladies coronariennes. Ainsi, la consommation d'acides gras mono-insaturés et polyinsaturés semble être dotée d'un effet protecteur, alors que celle des acides gras polyinsaturés et trans s'accompagnerait d'une majoration du risque. En revanche, en ce qui concerne les accidents vasculaires cérébraux, ce type de relation n'a pas été retrouvé par une métaanalyse des quarante-cinq essais déjà publiés sur ce thème. Néanmoins, la plupart de ces études n'ont pas pris en compte l'origine ischémique ou hémorragique de la lésion cérébrale. Des publications ont même suggéré qu'il pourrait exister une relation inverse entre la consommation de graisses saturées ou trans et le risque d'AVC, mais les mécanismes physiopathologiques en cause restent encore incomplètement compris. Néanmoins, des travaux récents ont suggéré que la mise en place d'un traitement hypocholestérolémiant en prévention secondaire après un accident cardio-vasculaire diminue, outre le risque de récidive d'accident coronarien, celui d'AVC.
Quatre questionnaires
Afin de préciser ces données, le Dr Ka He (Boston, Etats-Unis) a mis en place une étude sur une population de 43 732 hommes âgés de 40 à 75 ans travaillant dans le secteur de la santé et qui ne présentaient pas, à l'entrée dans l'étude en 1986, d'affection cardio-vasculaire ou de diabète. Les participants ont répondu à quatre reprises à des questionnaires validés sur leur alimentation. « Durant les quatorze années de suivi, 725 cas d'AVC sont survenus : 455 étaient d'origine ischémique, 125 en rapport avec une hémorragie et 145 en rapport avec une cause non déterminée », analysent les auteurs. Après ajustement pour l'âge, un éventuel tabagisme et l'ensemble des facteurs pouvant introduire un biais, aucun lien entre la consommation de lipides (lipides totaux, d'origine animale ou végétale, saturés, mono-instaurés ou polyinsaturés, trans et cholestérol alimentaire) et l'incidence des AVC n'a été retrouvé. La cohorte a été divisée en cinq groupes distincts selon le niveau de consommation lipidique. La comparaison entre les sujets appartenant au groupe dont la consommation lipidique est la plus élevée et celui dont la consommation est la plus basse ne montre pas de différence significative dans l'incidence des AVC, qu'ils soient ischémiques ou hémorragiques. Enfin, la consommation de viande rouge, de produits laitiers entiers, d'oléagineux et d'œufs n'a pas non plus influencé le risque cérébral.
Changement des habitudes alimentaires
Les auteurs reconnaissent que l'enquête diététique pratiquée tous les quatre ans peut entraîner un biais dans l'appréciation de la consommation des différents nutriments. En outre, il reste aussi possible que les sujets aient changé leur alimentation en raison de l'apparition d'une affection prédisposant à un AVC. Enfin, le Dr He souligne que, au cours des dernières années, on a assisté - et ce particulièrement chez les professionnels de santé - à un changement des habitudes alimentaires lipidiques (tendance à privilégier les acides gras insaturés et à réduire les apports totaux).
Comme les auteurs le soulignent, « nous n'avons pas observé, à l'inverse des investigateurs de l'étude des infirmières (Nurse Study coordonnée par le Dr Iso), d'association inverse entre la consommation d'acides gras saturés et de trans, et le risque d'AVC hémorragique. Mais, en raison du faible nombre de ces incidents survenus au sein de la cohorte suivie, ce risque ne peut être exclu définitivement. Pour cela, il reste nécessaire de poursuivre les investigations ».
« British Medical Journal », vol. 327, pp. 777-780, 4 octobre 2003.
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