par le Pr REGIS COUTANT*
L'insulinothérapie (ITF) consiste en l'adaptation, selon des principes mathématiques, des doses d'insuline en fonction du contenu en glucides des repas et de la glycémie précédant le repas ; de la possibilité de faire des corrections d'insuline en dehors des repas, en fonction de la glycémie mesurée (soit en effectuant une injection supplémentaire, soit en injectant un bolus d'insuline si le patient est traité par pompe).
Le principal avantage est de permettre une plus grande liberté alimentaire : l'insuline s'adaptera au repas et non pas l'inverse. Cette liberté se « paie » : par la nécessité de compter aussi précisément que possible les glucides du repas (donc de connaître la teneur en glucides des aliments et de savoir estimer les quantités) et de mesurer fréquemment les glycémies capillaires, avant et souvent après les repas (de 4 à 6 fois par jour).
Outre l'utilisation d'analogues de l'insuline rapide et de pompes à insuline qui facilitent la mise en oeuvre de l'ITF, les capteurs de glycémie sous-cutanés en temps réel, possiblement couplés à la pompe, permettent de connaître la glycémie en permanence et d'appliquer plus facilement des corrections. Bien qu'ayant une AMM, ils ne sont pas actuellement remboursés, leur utilisation est donc restreinte. En résumé, tous ces outils permettent de mieux contrôler l'ascension glycémique postprandiale et autorisent donc une plus grande liberté dans la composition du repas.
L'ITF nécessite la pleine adhésion des enfants et des familles à qui elle est proposée. Il a été montré qu'elle améliorait la qualité de vie, alors que son impact sur l'équilibre métabolique (diminution de l'hémoglobine glyquée, limitation de la fréquence des hypoglycémies) est plus modéré. Elle n'aide pas si elle est imposée (les nouvelles contraintes prennent alors souvent le pas sur les bénéfices).
À chaque âge ses indications.
Chez les jeunes enfants, d'âge préscolaire ou en maternelle, l'ITF est possible si l'enfant est traité par une pompe à insuline. À cet âge, la variabilité glycémique est souvent très forte, les hypoglycémies sont mal verbalisées et plus souvent majeures, l'appétit peut être irrégulier. L'ITF permet d'affiner la correction des hyper- ou hypoglycémies. Le bolus d'insuline peut être administré après le repas et calculé précisément en fonction des quantités ingérées. Le calcul des apports glucidiques repose sur les parents, et l'ITF est difficile à mettre en oeuvre pour les repas à la cantine. Une ITF épisodique (à la maison, en vacances, les jours de fête) peut faciliter la vie quotidienne.
Chez les adolescents, l'ITF permet une plus grande liberté alimentaire au prix de contrôles glycémiques fréquents. Si le principe du calcul des quantités glucidiques est accepté par l'adolescent, l'ITF facilite l'adhésion au traitement du diabète. Mais elle ne peut représenter un passeport pour manger n'importe comment. Là encore, elle peut être mise en oeuvre de manière épisodique, individualisée selon les cas.
Sa mise en oeuvre pratique nécessite d'abord une détermination précise de l'insuline basale (insuline pour vivre, indépendante des repas, éventuellement calculée à l'aide d'un jeûne glucidique). Puis quatre ou cinq séances de 1 h 30 à 2 heures sont nécessaires pour apprendre l'ITF, avec le médecin, l'infirmière d'éducation et la diététicienne, avec des exercices pratiques (estimation des quantités confrontée à la pesée des aliments, détermination des contenus glucidiques et des ratios insuline/glucides, mise en pratique à l'aide de repas pauvres en glucides ou, au contraire, riches en glucides…). Enfin, une mise au point annuelle est souhaitable pour entretenir la capacité à estimer les apports glucidiques.
En conclusion, l'ITF est un outil thérapeutique susceptible d'améliorer l'acceptabilité du traitement et la qualité de vie. Elle est efficace chez les familles et les enfants qui adhèrent à son principe. Elle nécessite un apprentissage et peut être plus facile à mettre en oeuvre si elle est enseignée à la découverte du diabète.
* Endocrinologie-diabétologie pédiatrique, CHU Angers.
Quelques exemples pratiques
Calcul des ratios insuline/glucides pour chaque repas. Le calcul repose sur des formules théoriques (1), qui seront affinées individuellement en fonction d'un journal rapportant l'alimentation et les glycémies pré- et postprandiales. n Si 1 U d'insuline métabolise 10 g de glucides au petit déjeuner, un petit déjeuner apportant 50 g de glucides sera précédé de l'administration de 5 U d'analogue rapide.
n L'estimation des quantités alimentaires est essentielle, travaillée avec la diététicienne, au moyen d'exercices pratiques. Le contenu en glucides (2)des aliments peut être fourni par des fascicules, fichiers informatiques, assistants personnels, etc.
Calculs de la correction de la glycémie et de l'efficacité du resucrage. Le calcul repose sur des formules théoriques1, affinées individuellement (3).
n Si 1 U d'insuline abaisse la glycémie de 100 mg/dl, devant une glycémie à 300 mg/dl, le calcul de la dose d'insuline corrigeant la glycémie à 100 mg/dl est de 2 U en supplément.
n Si 10 g de glucides simples remontent la glycémie de 100 mg/dl, leur absorption ramènera une glycémie de 40 mg/dl à 140 mg/dl.
(1) Les équations développées par Howorka sont adaptées chez le jeune enfant. Plusieurs autres formules existent, adaptées à partir de l'adolescence.
(2) Le calcul des apports protidiques et ou lipidiques est parfois proposé, car il module à un moindre degré la quantité d'insuline préprandiale (mais alourdit le processus de calcul).
(3) L'effet de l'activité physique donne lieu à une modulation du traitement par insuline. Elle est cependant moins bien systématisée que l'effet du repas.
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