PAR LES Drs DOROTHEE BLAYAC ET MARC BONNET, ET LE Pr FRANÇOIS KERBAUL*
LES SYSTEMES D'ASSISTANCE circulatoire percutanée substituent une pompe au(x) ventricule(s) défaillant(s). La finalité admise est d'améliorer rapidement la perfusion tissulaire et de restaurer ainsi les principales fonctions. Ces assistances circulatoires doivent donc contribuer à la survie du patient dans l'attente d'une récupération autonome de la fonction cardiaque, d'une assistance mécanique circulatoire lourde (pont au pont) ou d'une transplantation (pont à la transplantation).
Le ballon de contre-pulsion intra-aortique (CPBIA).
Développé à la fin des années 1960, c'est actuellement l'assistance circulatoire le plus fréquemment utilisée. La mise en place se fait par voie percutanée (artère fémorale commune) ou dans certains cas par sternotomie (aorte thoracique descendante). Le positionnement de l'extrémité distale du ballon, 2 cm en aval de l'artère sous-clavière gauche, est contrôlé radiologiquement ou par échographie transoesophagienne (ETO). Le principe repose sur le gonflement régulier et cyclique d'un ballon en polyuréthane de 30-40 ml par un gaz à inertie faible (hélium ou CO2). Cette inflation est synchronisée sur l'ECG ou la pression artérielle sanglante et se produit en diastole après fermeture des valves sigmoïdes aortiques. Elle majore alors la pression artérielle diastolique à l'origine d'une amélioration du flux phasique coronaire (1, 2).
La déflation rapide précède la systole et diminue la postcharge ventriculaire gauche, réduisant ainsi le travail ventriculaire et la consommation d'oxygène myocardique, sans pourtant majorer systématiquement le débit cardiaque (3). Il en résulte cependant une nette amélioration de la balance énergétique du myocarde.
Les pompes centrifuges.
À débit continu avec oxygénateur en général appelés ECLS, pour Extracorporeal Life Support, lorsqu'il s'agit d'assistances préférentiellement cardio-circulatoires, ou ECMO, pour Extracorporeal Membrane Oxygenation, lorsque l'on s'adresse à des assistances essentiellement respiratoires, les pompes centrifuges sont directement inspirées des circulations extracorporelles utilisées en chirurgie cardiaque. Elles sont composées d'une seule partie mobile, le rotor étant mis en mouvement, soit par un arbre de transmission, soit par un champ électromagnétique. Il en existe deux types principaux : la pompe Biomédicus et la pompe Sarns.
La pompe Biomédicus est une pompe centrifuge entraînée par un aimant à sa base, dont la rotation permet la création d'un effet « vortex ». La canulation s'effectue par voie périphérique (fémoro-fémorale) avec la technique de Seldinger, ou par abord chirurgical direct du scarpa à l'aide de canules armées (pour éviter les coudures) et revêtues d'héparine covalente permettant de réduire les doses d'anticoagulant nécessaires. L'embout distal de la canule veineuse est positionné au niveau de l'oreillette droite sous contrôle échocardiographique, avec confirmation radiologique secondaire (extrêmité radio-opaque). L'embout distal de la canule artérielle est positionné dans l'artère iliaque commune ou dans l'aorte abdominale distale. Lorsque la double canulation est veineuse et couplée à un système d'oxygénation, on parle d'ECMO veino-veineuse, dont l'objectif est une assistance respiratoire. À travers l'oxygénateur, l'hémoglobine devient saturée en oxygène, tandis que le dioxyde de carbone est épuré par un système de balayage. Le système est moins traumatisant pour les éléments figurés du sang que la classique pompe à galets. Le débit n'est pas pulsatile. Il varie avec la vitesse de rotation de la pompe, mais également avec la précharge (pressions de remplissage) et la postcharge (résistances à l'éjection). Le débit maximal obtenu est de 4-5 l/min. En l'absence d'une précharge adéquate, la canule située en amont de la pompe se collabe, altérant ainsi son débit en dépit de l'augmentation du nombre de tours par minute. La solution passe alors soit par un remplissage vasculaire, soit par une réduction de la vitesse de rotation de la pompe. Il est cependant nécessaire de changer la tête de pompe tous les huit jours environ. En dessous d'une certaine vitesse de rotation (< 1 500 tours/min), le débit peut s'annuler, voire s'inverser (sevrage de l'assistance ou mise en route). Le système peut être utilisé sans décoagulation systématique. Cependant, la taille des canules constitue un véritable obstacle pouvant favoriser l'apparition de phénomènes thromboemboliques, malgré la préhéparinisation de la face interne des canules et du circuit. En cas de canulation artérielle fémorale, la mise en place d'un système de reperfusion rétrograde de l'artère fémorale superficielle (shunt artériel distal de 8 F) est rendue nécessaire par le risque d'ischémie aiguë de membre due au phénomène occlusif directement imputable au diamètre externe de la canule. Une assistance artério-veineuse efficace est définie par l'obtention d'une pression artérielle moyenne supérieure ou égale à 60 mmHg associée à un débit d'au moins 2,5 l/min/m2. Ce type d'assistance peut être associé à un système d'oxygénation extracorporel (ECMO/ECLS) permettant de réduire les paramètres de ventilation mécanique grâce aux transferts gazeux assurés par cet oxygénateur (fig. 1). En règle générale, une ventilation dite « protective » est adoptée (volume courant de 5-6 ml/kg, PEP à 8 cm H20 instaurée pour lutter contre la pression hydrostatique induite par l'hypertension postcapillaire et minimiser les phénomènes d'hémorragie alvéolaire capillaire). L'adjonction d'un échangeur thermique permet également de moduler la température.
Les avantages sont un coût peu élevé, une possibilité d'assistance biventriculaire. Ils permettent une assistance droite-gauche utilisable dans tous les types de défaillances, même dans le cas où le coeur n'éjecte pas, ainsi qu'une oxygénation suppléant également une défaillance respiratoire. Ces systèmes présentent aussi l'avantage de la simplicité de mise en place par voie percutanée, au lit du malade, si nécessaire. Le transport de malades assistés par ECLS vers un centre spécialisé est réalisable (4, 5). Enfin, l'évolution technique des matériaux, canules et circuits, permet actuellement une bonne tolérance de ces circuits qui peuvent être laissés en place une dizaine de jours.
Les inconvénients sont essentiellement représentés par une longévité relativement courte des têtes de pompe malgré de très nets progrès (changement systématique tous les huit à quinze jours). L'absence de décharge du ventricule gauche et l'augmentation de sa postcharge, du fait de la réinjection de sang oxygéné au niveau de l'artère iliaque, peut contribuer à la constitution d'un OAP et d'une dilatation importante du ventricule gauche dont l'ischémie s'aggrave alors. Il faut dès lors tenter de maintenir une contractilité ventriculaire par des inotropes, décharger chirurgicalement le ventricule gauche par positionnement central d'une canule dans l'oreillette gauche après sternotomie ou changer de système au profit d'une assistance pulsatile. Enfin, l'hémolyse et la thrombopénie sont maintenant plus rares du fait de l'amélioration des matériaux constituant circuits, pompes et oxygénateurs (6).
Dans le cas de la pompe Sarns‚ l'énergie se transmet par un système d'ailettes et non par un système de cônes superposés animés par un électroaimant à leur base. Le principe de fonctionnement est le même que celui de la pompe centrifuge Biomédicus. Cette pompe assure un débit continu, non pulsatile.
Les systèmes plus récents : Impella et Tandem Heart.
Les inconvénients des ECLS, en particulier le défaut de décharge des cavités gauches, avec les conséquences pulmonaires potentielles, ont conduit à développer des systèmes comportant des pompes plus petites et mieux tolérées sur le long terme.
Deux systèmes sont actuellement utilisés : Impella, qui n'est qu'assistance gauche dans sa version percutanée, et Tandem Heart PTVA (Percutaneous Transeptal Ventricular Assistance). Les deux systèmes ont en commun de constituer des assistances gauches exclusives et, donc, elles nécessitent le maintien d'un ventricule droit performant.
La pompe Impella est une pompe axiale électromagnétique périphérique de faible encombrement (figure 2). Elle est mise en place soit par voie percutanée artérielle fémorale rétrograde (Impella acute) dans le ventricule gauche à travers l'aorte, soit par voie chirurgicale (Impella recover) (7). La mise en place percutanée ne permet qu'une assistance gauche-gauche. Impella acute permet l'obtention d'un débit ventriculo-aortique moyen d'environ 2,5 l/min. Ce débit est assuré par un moteur électrique lubrifié et purgé en continu. La vitesse de rotation de la pompe peut atteindre les 33 000 tours par minute. Impella entraîne donc une décharge rapide du ventricule gauche avec réinjection du sang dans l'aorte ascendante, ce qui permettrait une diminution de la postcharge et une réduction de la consommation d'oxygène et, donc, une augmentation de la pression artérielle moyenne et une diminution des pressions pulmonaires. Le sevrage de cette assistance est obtenu par diminution progressive de la vitesse de rotation de la pompe.
Tandem Heart PTVA (Percutaneous Transeptal Ventricular Assistance) est composé d'une canule (21 Fr) positionnée, sous scopie, dans l'oreillette gauche en transeptal, après introduction par la veine fémorale, le septum auriculaire ayant été préalablement perforé et agrandi au niveau du foramen ovale. Une seconde canule (13-19 Fr) est insérée dans l'artère fémorale et permet de renvoyer le sang préalablement aspiré dans l'oreillette gauche, dans l'aorte distale. La décharge active du coeur gauche est ainsi réalisée.
Les avantages de ces deux systèmes résident dans leur relative facilité de mise en place (par comparaison aux assistances lourdes implantables), dans l'utilisation simplifiée des consoles de commande, ainsi que dans un retrait simple (système de fermeture artérielle, simple compression digitale artérielle, ou fémorostop).
* Service d'anesthésie-réanimation, pôle d'anesthésie-réanimation Timone Sud, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.
(1) Trost JC, Hillis LD. Am J Cardiol 2006 ; 97 : 1391-8.
(2) Ryan EW, Foster E. Circulation 2000 ;102 : 364-5.
(3) Rosenbaum AM, Murali S, Uretsky BF. Chest 1994 ; 106 :1683-8.
(4) Pavie A, Leprince P, Bonnet N, et coll. E-mémoires de l'Académie nationale de chirurgie 2006 ; 5(3) : 56-63.
(5) Huang SC, Chen YS, Chi CN, et coll. Artificial Organs 2006 ; 30 : 24-8.
(6) Bennett M, Horton S, Thuys C, et coll.Perfusion 2004 ;19 : 107-11.
(7) Meyns B, Stolinski J, Leunens V, et coll. J Am Coll Cardiol 2003 ; 41 : 1087-95.
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