CE N’EST pas le nombre de victimes per se qui définit l’accident catastrophique, mais le dépassement des capacités hospitalières ou extrahospitalières généré par un nombre inhabituel de victimes par rapport à l’afflux de patients des services d’urgences. Les catastrophes surviennent en règle sur un lieu dépourvu de moyens thérapeutiques immédiatement disponibles. Pour être efficace, la prise en charge des victimes nécessite donc une organisation rationnelle des moyens de secours et de la chaîne médicale, et ce du transport des victimes jusqu’au poste médical avancé (PMA) – la petite noria – puis de là à l’hôpital – la grande noria. A noter que, pour les patients qui nécessitent une désincarcération, celle-ci ne présente rien de particulier : «Ce sont les techniques types de sécurité routière», indique le Dr Kierzek.
Urgences absolues et relatives.
La prise en charge préhospitalière des victimes comporte un triage effectué sous l’égide de Samu et d’un directeur des secours médicaux, qui obéit aux mêmes règles que celles appliquées par la médecine de guerre. L’organisation des secours prévoit un circuit pour amener les victimes du lieu de l’accident au PMA. Ce premier afflux va être trié à l’entrée du PMA en fonction de la gravité, donnant lieu à une catégorisation des patients en urgences absolues (UA), qui nécessitent une prise en charge de réanimation ou chirurgicale immédiate, et urgences relatives (UR). Ces dernières peuvent être à leur tour sous-catégorisées en UR 1, 2, 3 en fonction du délai de prise en charge.
Les UA sont médicalisées dans le PMA, qui dispose d’une unité de réanimation. L’évacuation vers les hôpitaux – le deuxième flux du PMA – se fait ensuite par des moyens médicalisés pour les UA après les premiers gestes et par des moyens non médicalisés pour les UR. «Le principe est, avec le tri et le PMA, de traiter sur place et, surtout, de laisser le temps aux hôpitaux de s’organiser, en particulier, en cas de déclenchement du plan blanc, de mettre en place la cellule de crise de façon à pouvoir accueillir les victimes», précise le Dr Kierzek. La grande noria concerne des patients déjà catégorisés et pris en charge médicalement. La mention de la catégorisation des lésions sur la fiche médicale de l’avant permet de les orienter directement vers le service approprié.
A Paris, notamment, cette évacuation des victimes se fait en «un mouvement centripète», d’abord vers des établissements périphériques, «afin de ne pas saturer les hôpitaux qui se trouvent à proximité du lieu de la catastrophe». En cas d’attentat, dans la station Saint-Michel du RER C, par exemple, «l’Hôtel-Dieu ne sera sûrement pas le premier hôpital mobilisé pour les patients pris en charge par le Samu, mais probablement le dernier». En revanche, il va avoir à gérer le flux des patients qui s’y rendront spontanément.
En annexe du plan blanc figurent des spécificités de prise en charge liées à des risques particuliers. Elles concernent le risque Nrbc (lire page 16) et imposent une décontamination en amont du PMA de toute victime contaminée et contaminante. Pour les patients qui arrivent spontanément à l’hôpital, il faut envisager la mise en place d’une chaîne de décontamination à l’entrée de l’établissement.
Efficace.
«Contrairement aux pays anglo-saxons, où des ambulances sans médecins sont dépêchées sur les lieux de la catastrophe, d’où une précipitation et une saturation rapide des hôpitaux, la France dispose d’un système qui fonctionne bien», affirme le Dr Kierzek en se fondant sur son expérience des accidents catastrophiques à effets limités avec des dizaines de victimes, comme l’incendie de la rue de Provence à Paris en avril 2005. «Si on ne faisait pas le tri en amont, on arriverait rapidement aux limites de saturation des hôpitaux de proximité, aussi bien quantitativement que qualitativement, avec une obligation de réorientation des victimes dans un deuxième temps.» Une organisation similaire existe dans certains pays voisins européens, notamment l’Allemagne, la Belgique et la Suisse.
Les catastrophes prises en compte dans le plan blanc, qui nécessitent des techniques de réanimation, relèvent exclusivement de la médecine d’urgence. En revanche, dans des phénomènes moins concentrés dans le temps et dans l’espace, comme une éventuelle pandémie de grippe H5N1, événement que, selon le Dr Kierzek, on pourrait cataloguer de catastrophe (c’est une annexe au plan blanc hospitalier), «le médecin généraliste joue un rôle fondamental dans la prise en charge des patients».
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