Journée mondiale contre l’excision

Avant tout signaler, rappelle l’Académie

Publié le 05/02/2006
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LE CORPS MEDICAL «doit se sentir davantage concerné par ce fléau, y penser, en apprécier les risques et en rechercher les conséquences, de manière à l’éradiquer», affirme l’Académie de médecine dans un communiqué rendu public à la veille de la Journée mondiale contre les mutilations féminines, organisée aujourd’hui. Le Pr Claude Sureau y affirme que l’excision «doit être considérée comme un crime contre l’humanité» et réitère les recommandations déjà formulées par l’Académie le 13 juin 2004.

Le corps médical «doit être conscient que l’obligation de signalement est la seule action de prévention utile et qu’elle est de son ressort», rappelle-t-il. Il appartient aux médecins «de se convaincre qu’une telle mutilation, par les conséquences immédiates et lointaines qu’elle comporte, douloureuses, invalidantes, souvent mortelles, est absolument intolérable», insiste-t-il. Pratique attentatoire à l’intégrité et à la santé d’êtres humains, ainsi qu’à la dignité de la personne, «elle doit être formellement condamnée et rejetée». L’Académie souligne la pertinence des dispositions juridiques et administratives prises sur le territoire français ou concernant les ressortissantes françaises, quel que soit leur âge, et demande «qu’elles soient strictement appliquées». Depuis janvier 2004, l’article 226-14 du code pénal précise qu’un médecin ne peut être poursuivi pour rupture du secret médical, s’il signale au parquet une mutilation sexuelle, ce qui lui laisse désormais toute latitude pour remplir prévenir, signaler, voire réparer les mutilations génitales dont il a connaissance.

Coutume et traditions ne justifient rien.

L’invocation de la coutume ou des traditions «ne saurait en rien justifier cette pratique», précise l’académicien.

L’association Equilibres & Populations va plus loin et évoque «la lâcheté de tous ceux qui n’invoquent le respect des cultures des autres que pour mieux fuir leur responsabilité». Quoique prohibée par l’ensemble des pactes internationaux, auxquels ont adhéré aussi les Etats (essentiellement africains) qui la tolèrent, la pratique «n’en continue pas moins de prospérer, avec la complicité de la plupart des élites politiques, traditionnelles et médicales», déplore l’association.

Les chiffres avancés pour décrire l’ampleur du phénomène sont de 130 millions de femmes mutilées dans le monde, de 120 en Afrique et d’une proportion de 100 % d’Egyptiennes (toutes origines et religions confondues), qui continuent à subir ce que le médecin Dominique Larrey décrivait déjà en 1800, à son retour d’un voyage en Egypte, comme «un acte de cruauté et de barbarie».

«Maintenant, ça suffit», déclare l’association, qui demande à la France de prendre en Europe la tête d’une action «dont les échos viendront enfin encourager, en Afrique, toutes les associations locales qui, dans le cadre du Comité interafricain pour l’élimination des pratiques préjudiciables à la santé des femmes et des filles, s’évertuent depuis vingt ans à faire évoluer cette tradition». Un leadership français qui tire sa légitimité de ce que «notre pays est quantitativement le plus concerné» et qu’il mène depuis 1983, notamment grâce à l’action de Linda Weil-Curiel, avocate et membre de la Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles, pour faire reconnaître la mutilation sexuelle comme un crime passible des assises.

Sur le plan du droit, l’association demande une harmonisation des pratiques. «On n’a pas forcément besoin pour cela, d’une directive: une bonne jurisprudence de la Cour européenne suffirait largement», explique l’association. A l’inverse, il faudrait légiférer pour permettre, comme c’est le cas en France, aux associations de se porter partie civile ou pour garantir aux professionnels médico-sociaux de pouvoir faire des signalements sans être poursuivis pour rupture du secret médical. Sur le plan de l’immigration, les membres de l’UE doivent décider que sur le territoire de l’Union, on n’acceptera plus de populations qui pratiquent ces mutilations, mais également «la polygamie, le mariage forcé et autre coutumes attentatoires à tout ce que l’Europe respecte elle-même en termes de droits de l’homme en général, et de droits des femmes en particulier». Une position «non négociable» qui devrait être un préalable à toute immigration et dont devront être informées les populations, au plus tard au moment de leur demande de visa.

* Tél. 01.53.63.80.40, info@equipop.org, www.equipop.org.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7892