ON N'EST JAMAIS mieux servi que par soi-même. Dans son style très personnel, Nicolas Sarkozy a décidé d'appliquer l'adage pour lancer son train de réformes 2008 sur la santé et la protection sociale, quitte à bousculer les ministres compétents. Alors qu'il affronte depuis quelques semaines une forte zone de turbulences, le chef de l'Etat veut éviter à tout prix d'ouvrir un front sur la santé et l'assurance-maladie. Or réformer cette matière à hauts risques n'est rien moins qu'une sinécure.
D'où la décision du président de la République d'entamer un cycle de rencontres directes, sans le « filtre » du ministère de la Santé ou de Bercy, avec les principaux responsables du secteur, susceptibles de porter les changements de demain : reçu en début de semaine, Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française (qui fédère la quasi-totalité des mutuelles santé), a ouvert le bal de l'Elysée ; il a été suivi quelques heures plus tard par une délégation de la CSMF conduite par le président Michel Chassang (voir ci-dessous).
Une façon aussi de montrer que, dans ce domaine, l'impulsion et le pilotage des réformes se feront au plus haut niveau de l'Etat. Car Nicolas Sarkozy ne s'y trompe pas. Pour mener à bien les chantiers annoncés, qu'il s'agisse du large volet «organisation de la santé» (accès aux soins, répartition de l'offre, nouvelles missions de l'hôpital, création des agences régionales de santé – ARS) ou du chapitre du financement (révision des affections de longue durée ; partage entre solidarité nationale, assurance et responsabilité individuelle ; recettes pour la protection sociale), il faudra affronter de puissants corporatismes, lever d'innombrables blocages, rassurer. Et convaincre un maximum de partenaires, faute de quoi, les réformes sont vouées à l'échec. «Le président consulte beaucoup, il a d'autres réunions sur la santé qui ne sont pas rendues publiques», affirme-t-on à l'Elysée.
La situation est d'autant plus délicate que la croissance en berne ne laisse entrevoir aucune marge de manoeuvre pour 2008, ce qui complique encore l'équation. «Nous devrons faire des arbitrages, assumer des choix, définir des priorités», avait prévenu le chef de l'Etat, le 6 février, en présentant son agenda de la protection sociale aux syndicats de salariés et au patronat.
Température.
Pour Nicolas Sarkozy, le moment est donc venu de prendre la température du monde de la santé mais aussi, semble-t-il, de fixer quelques principes clairs. Cheville ouvrière de ce mécano des réformes, son conseiller social, Raymond Soubie, est désormais omniprésent. Faut-il y voir une reprise en main des dossiers santé et assurance-maladie par l'Elysée ? Certains ne sont pas loin de le penser. Quelques jours après la fin de la première phase des états généraux, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité, devant la CSMF, à reprocher au corps médical de ne pas s'impliquer «suffisamment» dans la permanence des soins ; il aurait également jugé indispensable des mesures désincitatives dans les zones surdotées. Et c'est le chef de l'Etat, encore, qui veut relancer le secteur optionnel et la réforme des consultations, deux dossiers dans les limbes…
Le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, assure que le chef de l'Etat a l'intention de consulter «tous les acteurs» (même si les cartons d'invitation se font toujours attendre). «Le président s'investit à titre personnel, c'est une bonne chose, décrypte-t-il. Cette réforme est difficile mais nécessaire pour garder la médecine de ville sur tout le territoire et conserver un système de protection sociale solidaire.» Le Dr Dino Cabrera, président du SML, ne serait «ni surpris ni gêné» que l'Elysée pilote en direct le chantier de la protection sociale. «Bachelot a le dossier santé en main, Bercy est concerné par le financement, Bertrand a son mot à dire (sur le volet dépendance), mais c'est Sarkozy qui monte toujours en première ligne…»
Davant (FNMF) : « Le président à l'écoute... »
C'est un Nicolas Sarkozy «à l'écoute» que Jean-Pierre Davant dit avoir rencontré.
Au menu de cet entretien, détaille le porte-parole de l'Elysée : un tour d'horizon des chantiers engagés pour «garantir l'accès aux soins de tous les Français, mettre en place les agences régionales de santé, réformer l'hôpital et ramener durablement à l'équilibre l'assurance-maladie».
Concernant la délicate réforme du financement de la santé (panier de soins), l'échange aurait notamment abordé le «rôle des complémentaires santé dans notre système et le renforcement de leur implication dans sa gestion».
«La rencontre a été positive, résume au “Quotidien” le président de la FNMF, le programme de travail est très important. Le président considère que le statu quo n'est plus possible et nous demande de faire des propositions très rapidement.» Le chef de l'Etat a assuré à la Mutualité française qu'elle serait «pleinement associée aux concertations qui s'ouvrent».
De son côté, Jean-Pierre Davant a posé des jalons.
Le chef de file du monde mutualiste a insisté sur la priorité absolue de «mieux gérer le système de santé» et mis en garde le chef de l'Etat contre les transferts de charges de l'assurance-maladie vers les complémentaires santé.
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