LE 27 OCTOBRE 1960, une dizaine d'artistes se réunissent et fondent, sous la tutelle du critique d'art Pierre Restany, le groupe des nouveaux réalistes. Yves Klein, Martial Raysse, Arman, François Dufrêne, Jacques Villeglé, Raymond Hains, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, bientôt suivis par d'autres – tels Deschamps, Niki de Saint Phalle, Rotella, Christo… – allaient révolutionner, le temps d'une petite décennie, l'art de la seconde moitié du XXe siècle. Le nouveau réalisme trouve ses sources dans la société de consommation : une époque où la publicité entre dans les moeurs, où les appareils d'électroménager et la télévision prolifèrent dans les foyers. C'est dans ce contexte de progrès économique et technologique que naît le mouvement pictural. Il entend être le reflet d'une nouvelle réalité, en opposition à l'abstraction lyrique triomphante. Ces artistes intègrent à leurs travaux des objets issus de l'univers quotidien, urbain, industriel ; ils utilisent l'iconographie du cinéma, flirtent avec le pop art et la culture populaire, se servent de matériaux modernes (le plastique, le néon, le polyuréthane…) ; ils sacralisent la machine, la voiture…
L'exposition foisonnante proposée par le Grand Palais retrace, en 180 oeuvres, les grandes étapes de l'histoire du nouveau réalisme. On y retrouve les grandes créations désormais mythiques de l'époque : affiches lacérées de Villeglé, anthropométries d'Yves Klein, empaquetages de Christo, compressions de César, machines de Jean Tinguely, accumulations d'Arman, tableaux pièges de Spoerri…
Qu'elles soient violentes et morbides (les pianos et les contrebasses qu'Arman s'ingénie à détruire, « les Études pour une fin du monde » de Tinguely), ou bien ludiques, poétiques et colorées (pochettes d'allumettes agrandies de Raymond Hains, « les Nanas » de Niki de Saint Phalle, « les Patchworks » en drapeaux de Gérard Deschamps…), les oeuvres des nouveaux réalistes font de l'objet le centre de leurs recherches plastiques.
Manipulé, détourné, trituré, assemblé, travesti, analysé : l'objet est roi. Il apparaît comme une relique, un symbole de la société, ou bien il renvoie à l'esthétique et à la culture dadaïstes : « les Pièges à mots » de Spoerri, « les Chiottes » de Tinguely ou « l'Hommage à Duchamp » d'Arman en témoignent.
Mises en scène.
L'exposition présente également les mises en scène, les manifestations collectives, les « actions-spectacles » et les oeuvres interactives imaginées par les nouveaux réalistes : les performances de Rotella et ses premiers récitals de poésie phonétique, « les Pinceaux vivants » de Klein, la machine new-yorkaise de Tinguely qui s'autodétruisit devant le MoMA, le mur de barils de la rue Visconti de Christo, « le Dylaby », «labyrinthe dynamique», oeuvre d'art total collective (réalisée par Tinguely, Daniel Spoerri, Niki de Saint Phalle, Per Olof Ultvedt, Martial Raysse et Robert Rauschenberg).
Cette exposition est un formidable et profitable hommage à cette génération des trublions de l'art, dont la plupart ont disparu presque simultanément, ces dernières années (Niki de Saint Phalle est décédée en 2002, Pierre Restany en 2003, Arman et Hains en 2005, Mimmo Rotella en 2006). L'influence des nouveaux réalistes fut considérable, à la fois dans le temps et dans l'espace. Le mouvement se propagea outre-Atlantique et toucha des artistes aussi importants que Robert Rauschenberg, Jasper Johns, John Chamberlain… Aujourd'hui, les artistes du IIIe millénaire font très fréquemment référence à cette « confrérie » d'artistes, qui ont révolutionné la conception de l'art, ont orchestré un retour à la réalité, avec une créativité, une radicalité et un aplomb qui ont contribué à installer les fondements de l'art contemporain.
* L'expression est de Pierre Restany.
Galeries nationales du Grand Palais, Paris 8e. Tlj sauf mardi, de 10 h à 20 h (mercredi jusqu'à 22 h). Entrée : 10 euros (TR : 8 euros). Jusqu'au 2 juillet. www.rmn.fr.
A lire : – Catalogue de l'exposition, 352 p., coédition RMN/Editions du centre Pompidou, 45 euros. – La réédition du « Manifeste des nouveaux réalistes », publié à Milan (1960), par Pierre Restany, avec « les Lettres éclatées » de Raymond Hains, 16 p., Ed. Dilecta, 8 euros.
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