PICASSO n'eut de cesse d'observer, de comprendre et de s'imprégner des oeuvres du passé. Tout était pour lui digne d'intérêt ; chaque image détenait une valeur historique autant que technique et esthétique. Ses sens étaient constamment en éveil. Tout ce qu'il découvrait dans l'histoire de l'art lui était prétexte à créer, depuis les sculptures gréco-romaines jusqu'à la photographie, en passant par l'art nègre et la statuaire ibérique. Il ne jetait rien, aucun document, aucune image. Son souci de conservation était obsessionnel. L'exposition du Grand Palais, outre les chefs-d'oeuvre qu'elle rassemble, présente une vaste collection de cartes postales, photographies, albums illustrés et diapositives ayant appartenu à Picasso ou renvoyant à sa création.
Ce furent surtout les grands artistes, les « maîtres à peindre », que Picasso visita et revisita, qu'il garda en mémoire et dont il se nourrit et s'inspira continuellement. Il retenait chaque trait d'audace, l'intégrait, puis le transformait et le prolongeait, dans une liberté d'expression totale. Ce sont ces peintres-là, ces « sources picassiennes » que le Grand Palais a voulu exposer, en dialogue avec les oeuvres de l'artiste de Malaga. L'exposition, foisonnante, est une mine de correspondances, de parentés, de relations. Une exceptionnelle réunion de trésors !
Tous les titans.
Au total, 210 oeuvres nous font voyager dans l'histoire de l'art. Ils sont tous là, les titans. Cézanne en tête, qui marqua tant le peintre espagnol dans sa déstructuration de l'espace et ses natures mortes de pommes, déséquilibrées. Ingres également, à qui Picasso se référa souvent, notamment durant sa période de retour à l'ordre des années 1920, et à qui il emprunta son mélange de précision et de « bizarreries » (voir le « Portrait de Mademoiselle Rivière » en parallèle avec « Olga au col de fourrure »). Vélasquez, dont le peintre cubiste étudia inlassablement les représentations de gentilshommes du Siècle d'or, et qui fut si fasciné par « les Ménines », qu'elles lui inspirèrent de très nombreuses études et toiles. Goya pour son hispanisme (voir « la Comtesse del Carpio », en réplique à « Fernande à la mantille »), mais aussi pour ses hardiesses, son style emporté et furieux. Et puis Poussin, pour ses scènes bibliques et mythologiques (« l'Enlèvement des Sabines », « le Triomphe de Pan »…). Rembrandt pour le mysticisme et la puissance des clairs-obscurs. Puvis de Chavannes pour les jeunes filles au bord de la mer et le symbolisme novateur. Zurbarán et les ambiances sombres, austères et ascétiques (comme dans le « Saint François d'Assise dans sa tombe » de 1630). Les gravures de Cranach et de Grünewald, les natures mortes de Chardin, Titien pour ses Vénus, Manet pour « l'Olympia », Van Gogh pour « l'Arlésienne »… Cette collection de chefs-d'oeuvre est impressionnante.
Le génie de Picasso fut dans son extraordinaire capacité à assimiler tout ce qu'il reçut pour le restituer à sa manière, qui n'appartint qu'à lui, et pour le transcender dans un souverain recyclage, souvent iconoclaste.
« Picasso et les maîtres ». Galeries nationales du Grand Palais, Paris 8e. Entrée : 12 euros (TR : 8 euros). Tlj sauf mardi, de 10 h à 22 h (jeudi jusqu'à 20 h). Jusqu'au 2 février.
* À lire, sélection : Catalogue, 368 p., 49 euros, éd. RMN « Picasso, ses maîtres et ses héritiers », 19 euros, Beaux-Arts éd. « Picasso et les maîtres anciens », 48 p., 8,40 euros, éd. Gallimard (Découvertes) « Lire la peinture de Picasso », 19,90 euros, 175 p., 19,90 euros, éd. Larousse.
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