L'Autriche et l'Allemagne, qui comptent parmi les rares pays européens à garantir à leurs assurés sociaux la gratuité totale des soins médicaux ambulatoires et le libre choix de leur médecin, pourraient prochainement instituer un ticket modérateur sur ces dépenses. Ces projets constituent une révolution dans ces pays habitués depuis plus de cent ans à la gratuité des soins.
A peine installé, le nouveau gouvernement autrichien de Wolfgang Schüssel, qui réunit à nouveau les conservateurs et l'extrême droite dans une coalition « noire-bleue », a annoncé la mise en place d'une importante réforme de la santé combinée à un sévère plan d'économies. Le gouvernement envisage d'instituer un ticket modérateur de 20 % sur les actes médicaux, dont seraient toutefois dispensés les malades chroniques et les citoyens les plus pauvres. Ce projet est très vivement critiqué par l'opposition, les syndicats d'employés, les assurés et les médecins eux-mêmes. Jusqu'à présent, les soins médicaux sont gratuits en Autriche, à l'exception d'une participation forfaitaire et symbolique de 4 euros par trimestre. De plus, de nombreux médecins disposent de l'équivalent d'un secteur II, mais doivent informer leurs malades du montant de leur dépassement, qui peut être remboursé dans certains cas, avant de commencer à les soigner. L'Autriche entend par ailleurs « rationaliser » ses dépenses hospitalières en supprimant 6 000 lits et en en réaffectant 10 000 autres, notamment au profit d'hospitalisations de jour. Elle souhaite développer l'usage des génériques et contrôler plus sévèrement les prescriptions des médecins. Le pays n'exclut pas non plus d'augmenter les taux de cotisations maladie des assurés, et veut généraliser l'informatisation du système de santé du pays, en introduisant enfin les cartes à puce pour les professionnels et les assurés sociaux, dont la mise en place, prévue depuis la fin des années 1990, a pris beaucoup de retard.
En Allemagne, la « commission Rürup » chargée de préparer la future réforme de la santé devrait préconiser l'introduction d'un ticket modérateur sur les soins médicaux, idée approuvée il y a quelques jours par le chancelier Schröder. Si ses modalités sont loin d'être fixées, le ticket pourrait se traduire par un forfait de 15 euros applicable sur une période donnée, par exemple un trimestre. D'autres membres de la commission suggèrent de laisser 10 % des dépenses médicales à la charge des assurés qui changeraient de médecin, ou qui en verraient plusieurs de la même spécialité pendant le même trimestre. Alors que les Français sont habitués, depuis la création de la Sécurité sociale en 1946, à prendre en charge une partie de leurs traitements, les projets allemands et autrichiens paraissent d'autant plus radicaux que ces pays ne connaissent pas le système des mutuelles complémentaires qui couvrent les parts laissées aux assurés.
Ce qui se passe ailleurs en Europe
Si plusieurs autres pays européens, comme l'Espagne ou l'Italie, prennent en charge la totalité des soins médicaux ambulatoires, les patients doivent se rendre chez des médecins « agréés » par les services nationaux de santé, en cabinet ou en polyclinique : ils ne peuvent pas toujours les choisir, et doivent souvent attendre avant d'être soignés, si bien que beaucoup préfèrent consulter en privé, mais à leurs frais.
Les Portugais et les Finlandais, pour leur part, doivent s'acquitter d'un ticket modérateur, même lorsqu'ils se rendent chez un médecin dépendant du système national de santé. Aux Pays-Bas, la gratuité est liée à l'inscription chez un généraliste référent. Comme la France, la Belgique et le Luxembourg garantissent le libre choix des médecins par les patients, mais en l'échange d'une participation de ces derniers aux dépenses : en Belgique, les malades payent 10 ou 25 % des consultations et des visites en fonction de leurs revenus. Au Luxembourg, les caisses remboursent 95 % du montant des consultations, mais seulement 80 % de celui des visites. Ce ticket modérateur sur les visites n'est toutefois perçu qu'une fois par mois au maximum.
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