L ES dysfonctions gonadiques sont l'une des conséquences des traitements chimiothérapiques et radiothérapiques appliqués à des patients cancéreux des deux sexes et ces dysfonctionnements sont indéniablement à l'origine d'une perte de la qualité de vie chez les personnes guéries. Pour les hommes postpubères, la congélation de sperme est actuellement pratiquée de façon systématique avant le début du traitement. Pour les femmes, le problème est tout à fait différent.
Après la puberté, deux possibilités sont actuellement offertes : congélation de follicules en évolution - technique dont le résultat est décevant en raison de la mauvaise conservation des follicules - ou pratique d'une fécondation in vitro suivie d'une congélation de l'uf fécondé. Si cette seconde technique donne de biens meilleurs résultats au moment de la réimplantation, elle se révèle néanmoins limitée, à la fois par la nécessité d'un partenaire masculin stable, et en désir de paternité, et par le temps nécessaire à l'obtention d'ovules matures par traitement hormonal dans une pathologie cancéreuse qui demande le plus souvent une prise en charge thérapeutique immédiate. Enfin, l'ensemble de ces techniques n'est possible que chez les femmes après la puberté.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que depuis quelques années des biologistes ont cherché à pratiquer des greffes de tissu ovarien chez des femmes ayant subi une ovariectomie avant la mise en place du traitement anticancéreux. Les follicules primordiaux des ovaires se révèlent en effet beaucoup plus résistants à la congélation que les follicules en évolution.
En 1994, une équipe britannique dirigée par le Pr Roger Gosden a réussi pour la première fois chez la brebis à obtenir la naissance d'un agneau après avoir prélevé, congelé et greffé des tissus ovariens sur l'animal. En septembre 1999, le biologiste britannique a réussi, chez une patiente non cancéreuse, ayant subi une ablation des deux ovaires, à réimplanter de façon orthotopique le propre tissu ovarien de la patiente qui a, dans les suites de l'intervention, retrouvé une fonction ovarienne (production d'ovocyte).
Le Pr A. Radford (Manchester) et coll ont, pour leur part, entamé un essai de phase I/II en 1996 qui doit inclure 20 patientes, pour évaluer la sûreté, la tolérance et l'efficacité de cette méthode. Ils ont d'ores et déjà enrôlé 14 patientes. L'équipe rapporte dans le « Lancet » les résultats obtenus chez la première patiente.
Il s'agit d'une femme de 36 ans atteinte d'un lymphome hodgkinien, traitée par chimiothérapie à haute dose pour une troisième rechute de la maladie. La patiente a subi une ovariectomie droite avec cryoconservation de bandes de tissu ovarien cortical. Au moment du prélèvement, cette femme était aménorrhéique en raison des fortes doses de chimiothérapie et de radiothérapie qu'elle avait déjà reçu, mais l'analyse histologique a permis de déterminer que quelques follicules primordiaux étaient viables, ce qui thérapeutiquement est suffisant pour un retour à une fonction ovarienne normale.
Dix-neuf mois après l'intervention, la patiente, dans un état ménopausique, a subi la réimplantation de deux bandes de tissu ovarien décongelé, l'une sur l'ovaire restant, l'autre à l'emplacement de l'ovaire droit.
De l'estradiol dans le sérum
Sept mois après cette greffe, les bouffées de chaleur, qu'elle présentait jusqu'alors, ont disparu et, pour la première fois, les chercheurs ont pu détecter de l'estradiol dans le sérum de la patiente. Parallèlement, les concentration de FSH et de LH sont restées basses et l'échographie pelvienne a pu montrer des changements prolifératifs de l'endomètre et un développement folliculaire du coté droit. « L'ensemble de ces éléments indiquent le retour à une fonction ovarienne », expliquent les auteurs.
La patiente a, dans les suites de la greffe, présenté un épisode de règles, mais neuf mois après l'intervention, ses hormones sexuelles sont retombées à un niveau correspondant à une insuffisance ovarienne. En outre, la progestérone est demeurée indétectable tout au long de la période d'observation, témoignant de l'absence d'ovulation.
Pour le Dr Catherine Poirot (coresponsable du secteur de biologie de la reproduction à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), « les taux bas de FSH et de LH peuvent être liés à un hypogonadisme hypophysaire chez cette patiente traitée par une irradiation axiale et ils peuvent expliquer, du moins en partie, le résultats de la greffe ».
« Ces résultats préliminaires encourageants ne doivent pas faire oublier que plusieurs questions restent posées : la fertilité sera-t-elle restaurée et, si c'est le cas, la progéniture sera-t-elle normale ? », concluent les auteurs. La poursuite des recherches fournira probablement les réponses.
« The Lancet », vol. 357, pp. 1172-1175, 14 avril 2001.
Les Français dans la course
En France, plusieurs équipes congèlent actuellement du tissu ovarien chez des patientes devant subir un traitement stérilisant. Néanmoins, aucune tentative d'utilisation - autogreffe ou culture folliculaire in vitro - n'a encore été effectuée bien que des travaux de recherche soient en cours. Environ 80 patientes ont déjà bénéficié de cette technique de congélation dans notre pays.
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