En l'absence de procédés de conservation des ovaires et des follicules primordiaux satisfaisants, les jeunes filles et jeunes femmes traitées par radio- ou chimiothérapie étaient systématiquement atteintes de ménopause précoce et de stérilité après guérison de leur cance. Depuis cinq ans, des biologistes de la reproduction ont mis au point des techniques de congélation du tissu ovarien permettant une réimplantation secondaire orthotopique (en position abdominale) ou hétérotopique (position sous-cutanée).
Tissu ovarien congelé-décongelé et réimplanté
En 1994, une équipe britannique dirigée par le Pr Roger Gosden a réussi pour la première fois chez la brebis à obtenir la naissance d'un agneau après avoir prélevé, congelé et greffé des tissus ovariens sur l'animal. Ce travail a été suivi de celui d'une équipe lyonnaise, dirigée par le Dr B. Salle, qui a obtenu des résultats similaires (voir « le Quotidien » n° 6952 du 12 juillet 2001 ). D'autres équipes françaises s'orientent plutôt vers une réimplantation en position orthotopique ( Dr Y. Aubard, CHU Dupuytren, Limoges, « Hum Reprod » 14(8) : 2149-2154, 1999 ), en raison de la présence d'une péritonéisation limitant la migration des follicules hors du tissu ovarien.
Chez la femme, le Pr Roger Gosden est aussi parvenu en 1999 a réimplanter, de façon orthotopique, chez une patiente non cancéreuse ayant subi l'ablation des deux ovaires, du tissu ovarien qui, par la suite, est devenu fonctionnel (production d'ovocytes).
Réimplantation à l'avant-bras
En 2001, un autre chercheur britannique (Pr A. Radford, Manchester) a rapporté dans le « Lancet » une seconde tentative encourageante de greffe orthotopique de tissu ovarien après cryopréservation (voir « le Quotidien » n° 6899 du 16 avril 2001). Chez cette patiente ayant subi une irradiation axiale, les taux de FSH et LH sont demeurés très bas et, malgré la reprise momentanée d'une fonctionnalité ovarienne, un traitement substitutif a dû être mis en place.
Le Dr Kutluk Oktay (Cornell University, New York), qui avait déjà publié les résultats encourageants d'une greffe orthotopique chez une femme de 29 ans (voir « le Quotidien » n° 6732 du 22 juin 2000), publie dans le « JAMA » deux cas de réimplantation hétérotopique fonctionnelle de tissus ovariens chez de jeunes femmes. La première, âgée de 35 ans, était atteinte d'un cancer du col de l'utérus à un stade IIIB, traitée par radio- et chimiothérapie, et l'autre, âgée de 37 ans, avait subi une ablation ovarienne en raison de kystes séreux récurrents. Les biologistes de la reproduction américains ont procédé à une réimplantation hétérotopique des ovaires de ces deux jeunes femmes au niveau de l'avant bras. « La ménopause dans les suites immédiates de la transplantation a été confirmée par un taux de FSH élevé. Dix semaines après la transplantation, un développement folliculaire a pu être mis en évidence par échographie chez la première patiente, et il s'est accompagné d'une baisse concomitante des taux de FSH et de LH et du rétablissement d'un cycle estrogénique sérique », expliquent les auteurs.
Follicule visible sous la peau
Des résultats similaires ont été retrouvé chez la seconde patiente six mois après la transplantation. En phase préovulatoire, le follicule était visible sous la peau (diamètre de 20 mm environ) et des prélèvements folliculaires ont été possibles.
Le Dr Catherine Poirot (service biologie de la reproduction, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) explique au « Quotidien » que, « en raison de la fonctionnalité des tissus ovariens greffés en position hétérotopique et de l'accessibilité des follicules en vue d'une fécondation in vitro, cette technique semble très prometteuses ».
« JAMA », 286 : 1490-1493, 26 septembre 2001.
Un pionnier français, en 1987
En 1987, un hématologue français, le Dr Le Poirrier (Caen), a été le premier à tenter une greffe hétérotopique d'ovaire chez une femme atteinte d'hémopathie maligne. Cette patiente, âgée de 15 ans au moment du diagnostic de maladie de Hodgkin, a été traitée par radio- et chimiothérapie. En raison du pronostic gynécologique à court et à moyen terme, une tentative de réimplantation ovarienne et position hétérotopique a été tentée. « Nous avions choisi de réimplanter l'ovaire prélevé en position axillaire au niveau de la loge humérale interne. Cette zone anatomique en effet est particulièrement vascularisée et relativement discrète, gage d'une bonne tolérance physiologique et psychologique du greffon », explique au « Quotidien » le Dr Le Poirrier. Deux équipes chirurgicales ont conjointement procédé à cette intervention qui s'est soldée par le rétablissement de cycles ovariens de durée normale. Plus de vingt-quatre mois après l'intervention, les cycles demeuraient réguliers et des follicules ont pu être prélevés en période préovulatoire par simple ponction locale sous échographie. « Cette patiente, qui est maintenant guérie de son hémopathie, a pu poursuivre des études de façon tout à fait normale (elle est institutrice) mais, à l'heure actuelle, elle reste toujours célibataire et ne souhaite pas encore avoir d'enfant. Nous restons néanmoins toujours à sa disposition pour pratiquer un prélèvement suivi d'une fécondation si, un jour, elle le souhaite », poursuit le Dr Le Poirrier.
Une greffe involontaire
En 1997, une publication de gynécologues argentins (Marconi et coll., « Fertil Steril », 68 (2) : 364-366, aug. 1997) rapportait que, dans les suites d'une laparoscopie, ils avaient constaté que du tissu ovarien, « autogreffé » en position hétérotopique par accident lors du geste chirurgical, pouvait demeurer fonctionnel et ovulatoire.
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