« C'est une mesure que nous appelions de nos vœux. » Le Pr Philippe Thibault, doyen de la faculté de médecine de Saint-Antoine, à Paris, et secrétaire général de conférence des doyens, ne cache pas sa satisfaction, après l'annonce d'une augmentation importante du nombre d'étudiants qui seront autorisés à poursuivre leurs études de médecine en PCEM 2, en 2002.
Le ministère de l'Education (« le Quotidien » du 8 octobre) a indiqué, à l'occasion de la rentrée universitaire, que le numerus clausus serait relevé de 15 %, dès l'année prochaine : 4 700 étudiants, contre 4 100 cette année, seront admis en PCEM 2. « C'est en effet une avancée significative, poursuit le Pr Thibault, ce qui permettra de répondre aux problèmes démographiques qui se poseront demain en France. La formation d'un médecin, d'un spécialiste ou d'un généraliste, demande, en effet, de nombreuses années, et il faut dès maintenant prendre les devants. »
Même sentiment à l'Ordre des médecins où le secrétaire général, le Dr Pierre Haehnel, estime que la décision du gouvernement « va dans le bons sens ». Même si ce desserrement de la sélection est loin d'être suffisant. « Pour bien faire, explique le Dr Haehnel, il faudrait, dès maintenant, admettre 7 000 étudiants par an en deuxième année, pendant au moins six ou sept ans, afin de compenser le départ des médecins en activité dans les prochaines années. » On n'en est pas là, admet le secrétaire général de l'Ordre, même s'il est vrai, ajoute-t-il, que « Bernard Kouchner a évoqué lui-même le chiffre de 5 700 étudiants à admettre en PCEM 2 ».
Inégalités
« La mesure est bonne, reconnaît le Dr Olivier Gattoliat, du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), mais ses effets ne se feront pas sentir avant 10, voire 15 ans, lorsque les problèmes démographiques seront là. » Mais surtout, les jeunes médecins, comme beaucoup de leurs aînés, s'inquiètent des inégalités régionales et des inégalités entre disciplines et spécialités qui ne seront pas gommées par ce relèvement du numerus clausus.
Un problème soulevé par le Pr Thibault, et par le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF, qui rassemble le généralistes de la CSMF), pour qui cette mesure « n'est absolument pas efficace, dans le cadre de la maîtrise démographique. S'il s'agit de former plus de médecins à Nice ou à Paris, je n'en vois pas l'intérêt. S'il s'agit de former plus de spécialistes dans des disciplines déjà bien pourvues, alors que l'on sait pertinemment que d'autres seront sinistrées, je n'en vois toujours pas l'intérêt ». Pour le président de l'UNOF, il aurait fallu recenser minutieusement les besoins et les inégalités régionales, plutôt que « d'annoncer un chiffre brut de futurs médecins ».
Un raisonnement, on le sait, qui rejoint peu ou prou celui de la CNAM, qui a souvent demandé qu'avant tout relâchement du numerus clausus soit décidé un recensement des besoins.
Reste quand même, reconnaît le Dr Pierre Costes, président de MG-France, « que cette annonce ministérielle va dans le bons sens, même si elle est tardive. On ne saurait oublier que, en 2020, on sera dans des disciplines médicales au niveau démographique de 1985, avec une demande de santé sans doute plus forte ». Ce qui devra se traduire par une transformation de l'exercice médicale, « où le médecin ne travaillera plus seul, mais en équipe, en étroite liaison avec des infirmières, des kinésithérapeutes qui exerçeront des responsabilités en étroite liaison avec le praticien ».
Année commune aux
professions de santé
Cette évolution, poursuit le Dr Costes, milite en faveur de la deuxième grande annonce du gouvernement : la mise en place d'une année d'études commune aux étudiants qui se destinent à une profession de santé. « Une démarche intéressante », commente le Dr Chassang, qui craint cependant que « ce soient surtout les futurs médecins qui tirent avantage de cette nouvelle formule, au détriment des paramédicaux ».
Il faut, reconnaît d'ailleurs le Pr Thibault, que « soit précisés la forme et le fond de cette année commune ».
« Je veux savoir, insiste le Dr Gatolliat, ce qu'ils veulent mettre dedans avant de me prononcer vraiment. » Un sentiment qui semble majoritaire. « Tout le problème, résume très bien le Dr Pierre Haehnel, est de savoir comment on va organiser cette première année et son enseignement. » On devrait d'ailleurs être rapidement fixé sur ce point, puisque la première rentrée de cette année commune est prévue pour 2002. Elle devrait concerner d'abord les sages-femmes qui rejoindront, dans leur cursus, les médecins et les futurs dentistes.
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