D'après un entretien avec le Pr Arnold Munnich
Chef du service de génétique médicale, Groupe hospitalier Necker Enfants-Malades, Paris.
Aujourd'hui, le diagnostic des maladies monogéniques est plus simple et plus rapide : à titre d'exemple, un test ADN à partir d'une simple prise de sang remplace les biopsies musculaires qui étaient indispensables pour confirmer le diagnostic de myopathie ou d'amyotrophie spinale, la biopsie hépatique pour confirmer celui d'hémochromatose, le test à la sueur celui de la mucoviscidose.
Dans les maladies hétérogéniques, le diagnostic de certitude reste clinique, l'identification d'une mutation causale n'est pas nécessaire. En revanche, elle prend toute son importance pour un conseil génétique, en vue d'un diagnostic prénatal et/ou du choix d'une stratégie thérapeutique.
C'est le cas dans la maladie de Bourneville, la maladie des os de verre où deux gènes sont en cause, l'ataxie héréditaire où plus 10 gènes sont impliqués et d'autres maladies encore plus hétérogéniques (plus de cent gènes en cause).
Prévention.
Le bénéfice du génotypage est évident dans la prévention, notamment dans les cas de prédisposition héréditaire au cancer (cancer du sein, cancer colo-rectal, néoplasie endocrinienne) et dans les maladies génétiques à début tardif ou d'évolution variable (cardiomyopathie, hypertension artérielle, rétinite pigmentaire, surdité, chorée de Huntington etc.) ne serait-ce que pour assurer un suivi médical régulier en milieu spécialisé, une scolarisation adaptée ou une meilleure orientation professionnelle.
Cependant, plusieurs questions se posent : en l'absence de possibilités thérapeutiques, faut-il nécessairement prévenir le sujet du risque potentiel qu'il encoure, sachant que le fait d'être porteur d'une mutation ne veut pas dire qu'il va développer la maladie? Qui veut réellement savoir ? L'expérience prouve que près de 90 % des sujets ayant des antécédents familiaux de Chorée de Huntington, bien informés sur la maladie et le risque de transmission génétique, renoncent à la démarche.
Quel est l'impact social de la prédiction ? Le recours à des analyses génétiques systématiques chez les sujets à risque ne pourrait-il pas jouer un rôle clé dans la prise de décisions qui peuvent engager leur avenir (recrutement, embauche, assurances)?
Ethique.
Prévenir la naissance d'un enfant malade par un diagnostic prénatal et pré-implantatoire est une pratique toujours très controversée qui impose un diagnostic génétique très précis avant la grossesse, un examen des demandes (affection particulièrement grave) et des compétences spécifiques (biopsie choriale, ponction amniotique).
Après fécondation in vitro, une biopsie embryonnaire est réalisée au stade 1-2 blastomères et, après test ADN, seuls les embryons sains sont réimplantés. De 2000 à 2003, 300 couples à risque ont bénéficié de cette possibilité de mettre au monde un enfant indemne d'une maladie génétique grave, 36 enfants sains sont nés.
Les problèmes éthiques soulevés sont nombreux et concernent notamment : le diagnostic du sexe par prélèvement de sang maternel (7-8 semaines de grossesse) ; le diagnostic précoce sur cellules fœtales circulantes ; la fécondation in vitro et le diagnostic pré-implantatoire pour couple stérile porteurs de maladies génétiques non létales, la recherche de compatibilité HLA dans la Maladie de Fanconi, la recherche de compatibilité HLA dans les maladies non génétiques (leucémies).
Les thérapeutiques curatives.
Aujourd'hui, un certain nombre de maladies génétiques sont curables par différentes approches :
- les régimes : hypoprotidique (phénylcétonurie, leucinose, hyperammoniémies), hypolipidique (hypercholestérolémies), hyperglucidiques (anomalies de l'oxydation des acides gras), apport de mannose (déficit de glycosylation des protéines CDG1b) ;
- supplémentation en vitamines et co-facteurs : biotine (déficit multiple des carboxylases), pyridoxine (homocystinurie) carnitine (myopathie lipidique, cardiomyopathie), tocophérol (ataxie pseudo-Friedreich) carnitine (myopathie lipidique, cardiomyopathie), quinone (ataxie, déficits énergétiques), créatine (retard mental) ;
- les transplantations d'organes : rein (polykystose), moelle osseuse (déficit immunitaire)etc. ;
- l'électrostimulation (pace-maker cérébral) dont l'effet est spectaculaire dans certaines maladies du système nerveux (dystonie de torsion, chorée de Huntington, maladies mitochondrialesetc.) ;
- la thérapie enzymatique substitutive : maladie de Fabry, maladie de Gaucher, maladie de Pompe, maladie de Hurler ;
- la pharmacologie traditionnelle a également sa place pour, entre autres exemples, rectifier l'épissage (RNA antisens), verrouiller une voie métabolique (NTBc dans la tyrosinémie de type 1 d'évolution létale), inhiber une fonction (biphosphonates), accroître une activité (fibrates), remplacer une fonction manquante mélatonine dans le syndrome de Smith Magenis (troubles du comportement et du sommeil), etc.
Quant à la thérapie génique, bien qu'elle se présente comme une méthode révolutionnaire et très prometteuse, il y a encore un fossé entre les espérances, les promesses et les résultats. De nombreux problèmes techniques ne sont pas encore résolus (choix des vecteurs à utiliser), les indications restent rares et il existe des risques réels (toxicité, mutagénèse).
« Actuellement, il faut se garder de la pensée unique, il faut faire feu de tout bois, ne négliger aucune piste, essayer de comprendre et laisser à chaque approche thérapeutique la place qu'elle mérite » conclut le Pr Arnold Munnich.
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