LE NATALIZUMAB est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre une molécule de surface du lymphocyte, l'alpha-4 intégrine. Cette dernière interagit avec la Vcam, molécule d'adhérence située sur les cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique, ce qui favorise le passage des lymphocytes à travers la barrière hémato-encéphalique, et donc du sang périphérique vers le système nerveux central (SNC).
Le développement du natalizumab s'appuie sur ce rationnel physiopathologique : en inhibant l'alpha-4 intégrine, il bloque en effet l'étape initiale permettant aux lymphocytes de passer dans le système nerveux central. Les premiers travaux expérimentaux, qui datent de 1993, ont montré, sur le modèle expérimental classique d'étude de la sclérose en plaques, la capacité du natalizumab à réduire l'inflammation dans le SNC.
Les résultats des études de phase II, fondées sur des critères IRM, ont souligné l'efficacité du natalizumab chez les patients présentant une forme rémittente de SEP, avec une diminution du nombre de nouvelles lésions.
L'étude de phase III, Affirm, a confirmé ces premiers résultats sur une population de près de 1 000 patients âgés de 18 à 50 ans souffrant d'une SEP rémittente. Il s'agissait de sujets ayant un score de handicap < 5 et ayant eu une poussée dans les douze mois précédents. Après deux ans de traitement (à raison d'une administration par perfusion intraveineuse toutes les quatre semaines), une réduction de 68 % de la fréquence des poussées a été observée chez les sujets sous natalizumab (627) comparativement à ceux recevant un placebo (312). « Une diminution des poussées bien supérieure à celle obtenue avec les immunomodulateurs utilisés jusqu'alors, qui est de l'ordre de 30 % », précise le Pr Catherine Lubetzki. Cet effet très franc sur les poussées est accompagné d'une nette diminution des lésions observées en IRM, de 80 %. Aucun effet secondaire important n'était rapporté au début de l'année 2005.
Une autorisation de mise sur le marché avait été demandée aux Etats-Unis dès les résultats à un an et l'accord de la FDA avait été obtenu en décembre 2004. En Europe, cette demande n'était prévue qu'à l'issue des deux ans de traitement.
Début mars 2005, un premier cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive, maladie liée au virus JC qui détruit les cellules myélinisante du SNC, a été rapporté chez un patients traité par natalizumab dans le cadre de l'étude. Il a été rapidement suivi d'un deuxième, puis d'un troisième cas, ce dernier ayant été dépisté rétrospectivement chez un patient ayant reçu du natalizumab pour une maladie de Crohn.
La survenue de ces trois cas, dont deux mortels, a conduit à l'arrêt immédiat de l'essai au mois de mars 2005 et au retrait du natalizumab aux Etats-Unis.
« Pour la communauté des neurologues et pour les patients, la déception est énorme, puisque nous disposions d'un médicament au rationnel d'action intéressant et à l'efficacité bien supérieure à celle des autres traitements utilisés », souligne le Pr Catherine Lubetzki.
Depuis, les patients des différentes cohortes (SEP, maladie de Crohn et polyarthrite rhumatoïde) bénéficient d'un suivi clinique et d'un IRM ;six mois après, sur une population de quelque 3 000 patients, aucun autre cas de Lemp n'a été rapporté. Un constat qui devrait prochainement conduire à une nouvelle demande de mise sur le marché aux autorités de santé américaines et européennes.
D'après un entretien avec le Pr Catherine Lubetzki, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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