MARTINE AUBRY de retour à la Sécu ! Certes, il ne s'agit « que » du nouveau secrétariat national du Parti socialiste, où la maire de Lille (courant majoritaire) vient d'obtenir le très lourd dossier des « affaires sociales et de l'emploi ». Mais si l'on y ajoute sa nomination, avec tous les ténors du parti, au sein de la fameuse commission du projet, instance clé où va s'élaborer dans les six prochains mois le programme du PS pour la présidentielle de 2007, on mesure le poids politique de l'ancienne ministre de l'Emploi (1997-2000) au sein du nouvel organigramme du PS. « Avec cette double casquette et cette double légitimité (secrétariat national + projet) , elle est indispensable dans les mois à venir sur toutes les questions sociales, emploi, famille, sécu et santé compris », résume un fin connaisseur des arcanes du PS.
Beaucoup moins connu, le député de l'Ardèche Pascal Terrasse a été bombardé à la santé au sein du même secrétariat national. Une nomination à la fois logique (ce parlementaire de 41 ans, spécialiste des retraites et des personnes âgées, s'intéresse depuis longtemps aux questions médico-sociales) et politique puisqu'il fallait réserver des postes de choix aux représentants de tous les courants du PS dans le cadre de la synthèse générale du congrès du Mans. Or, Pascal Terrasse, proche de Vincent Peillon, est un des dirigeants du NPS, courant qui a obtenu sept secrétariats nationaux thématiques. « Martine Aubry et Pascal Terrasse ont confectionné leurs équipes et décidé de travailler ensemble, ils seront complémentaires », veut croire en tout cas un cacique du PS. Quant au Dr Claude Pigement, qui ne ménage pas ses forces pour entretenir les liens entre la gauche et les professionnels de santé, il est fortement pressenti pour être rattaché à la fois à Martine Aubry et à Pascal Terrasse, en tant que délégué national « santé et assurance-maladie ». Selon nos informations, le Dr Frédéric Pain, jusque-là secrétaire général de l'Amuf (Association des médecins urgentistes de France), deviendrait quant à lui délégué national chargé des questions hospitalières, auprès de Pascal Terrasse. « Ce sera notre antenne hospitalière », confirme-t-on déjà au PS.
Acte d'accusation.
Ces nominations au secrétariat national se font aux dépens du fabiusien Alain Claeys, secrétaire national à la santé et à la recherche (jusqu'en juin dernier) et surtout de Marisol Touraine, qui perd son secrétariat national à la solidarité et à la protection sociale. Quant à Jean-Marie Le Guen, très en vue ces derniers temps sur les questions de santé publique notamment, il n'accède pas à ce gouvernement du parti auquel il aspirait.
Le retour spectaculaire de Martine Aubry sur les questions sociales, dans le premier parti d'opposition, ne manquera pas de susciter quelques vibrants commentaires dans le monde médical.
Lorsqu'elle a quitté le gouvernement Jospin en octobre 2000, les syndicats de médecins de ville dressaient son bilan en forme d'acte d'accusation. « Une ministre peu encline au dialogue, peu familière de la concertation et avec un brin de mépris à l'égard des médecins », nous disait abruptement le
Dr Michel Chassang, alors président de l'Unof (généralistes de la Csmf). Aujourd'hui à la tête de la Conf', il confirme son verdict même si les années ont rendu ses propos moins sévères. « Elle n'a pas laissé un souvenir impérissable : on avait même parlé de plan "Jubry" pour la médecine de ville (association hybride de Juppé et Aubry) mais seuls les imbéciles ne changent pas d'avis. » Au SML, le Dr Dino Cabrera parlait en octobre 2000 de ministre « distante ». Mais Martine Aubry gérait un ministère tentaculaire où l'assurance maladie n'était pas la priorité. Quant à Richard Bouton (MG-France), il évoquait une « période de glaciation de trois ans ».
Le plan Johanet à la poubelle.
Sur le fond, les médecins libéraux se souviennent que Martine Aubry avait institué le système honni des « lettres clés flottantes » (baisse des tarifs en cas de dépassements par rapport aux objectifs), un avatar peu glorieux des reversements d'honoraires du plan Juppé (dispositif de maîtrise précédent annulé par le Conseil constitutionnel).
Quant à l'instauration des 35 heures à marche forcée à l'hôpital (dossier qu'elle laissa en cours de route), beaucoup de professionnels de santé avaient jugé, au minimum, que la méthode employée était absurde, plongeant les établissements de santé dans des difficultés d'organisation monumentales. Ultravolontariste pour ses admirateurs, intransigeante pour ses adversaires : nombre de médecins ont en tout cas gardé cette image de « mère Fouettard ». Un surnom en partie injuste car Martine Aubry avait (aussi !) enterré à jamais le plan Johanet, du nom du directeur général de la Cnam, qui plaidait pour des mesures aussi explosives que la recertification régulière de médecins libéraux ou le conventionnement sélectif à l'installation. De ce point de vue, Martine Aubry avait plutôt ménagé les médecins.
Avec le renfort de la croissance, Martine Aubry avait par ailleurs obtenu une baisse très spectaculaire du chômage et du déficit de l'assurance-maladie (sans pour autant que les dépenses soient maîtrisées). Dès 1999, le solde du régime général était repassé dans le vert après quatorze ans de trou chronique. Enfin, le monde médical dans son ensemble applaudissait la création de la CMU, une des avancées sociales les plus emblématiques du gouvernement Jospin.
Terrasse : « abroger » la réforme Douste.
Devenu monsieur Santé au PS, Pascal Terrasse devra, quant à lui, prendre ses marques très rapidement. Joint par « le Quotidien », il nous confirme que sa feuille de route, fixée par François Hollande, est de préparer le volet « santé » du projet socialiste. Au cœur de sa réflexion : une réforme « profonde » du financement de la Sécu, sollicitant davantage les entreprises (à l'heure où certains évoquent la TVA sociale). Quant à la réforme des parcours de soins autour du médecin traitant, si Pascal Terrasse admet qu'il ne faut pas « tout jeter à l'eau », c'est pour mieux croiser le fer aussitôt. « Le système actuel a mis de côté la médecine générale au profit de la médecine spécialisée et il est très en retrait du cahier des charges du médecin référent. Il faut travailler en réseau et construire un dispositif fondé sur la prévention et la promotion de la santé ». Il n'hésite pas en tout cas à parler d' « abrogation » de la réforme Douste-Blazy « mais pour proposer autre chose ». Tout en refusant la « capitation généralisée », Pascal Terrasse compte ouvrir la réflexion sur de « nouveaux modes de paiement » des libéraux au forfait, peut-être sur la base d'expérimentations.
Paradoxe : avec Pascal Terrasse, le PS a nommé à la santé un ami du ministre actuel, Xavier Bertrand. Les deux hommes ont exactement le même âge (à cinq mois près), un profil comparable (expert des retraites), ils se connaissent bien et depuis longtemps, et s'apprécient. « On peut être très critique vis-à-vis de ses amis », met en garde Pascal Terrasse. Il ne devrait plus manquer d'occasions pour en faire la preuve.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature