Huit millions de Québécois se partagent une terre équivalant à deux France et demi. Au nord, d’immenses territoires couverts de toundra et des îles coincées dans les glaces vivent du tourisme, de la pêche.
Il y a des médecins, des hôpitaux locaux, mais point de soins hautement spécialisés. Les grands centres hospitaliers se concentrent au sud.
Quand survient un infarctus, un AVC, ou un accouchement difficile, un avion est dépêché en urgence. Le programme national d’évacuations aéromédicales du Québec a permis le transport de 70 000 patients depuis son lancement en 1981. La nouveauté, c’est l’acquisition d’un jet ultrarapide, un Bombardier Challenger, réaménagé de fond en comble, pour en faire un hôpital volant ultra-sophistiqué, bardé de technologies, avec plateau technique et quatre civières permettant la prise en charge simultanée de trois adultes et un bébé. Coût de l’avion équipé : 19,6 millions de dollars. La phase de rodage est en cours. Les premières missions débuteront cet automne.
Le directeur médical du programme d’évacuations aéromédicales a lui-même dessiné les modules d’aménagement de la cabine, avec l’aide de son adjointe infirmière. Du harnais protégeant la peau fragile des prématurés au mécanisme d’élévation de la tête du patient contre l’accumulation du sang lors du décollage, tout a été pensé pour assurer une sécurité maximale. « Dans cet avion, on peut tout faire, sauf la chirurgie », résume le Dr Richard Bernier.
High-tech, tablettes et WiFi
À 35 000 pieds dans les airs, l’humain souffre d’hypoxie. « Une simple règle de trois peut être difficile, alors recoudre une femme qui vient d’accoucher..., remarque le Dr Bernier. Des tablettes ont été installées. Avec son coude, le médecin peut faire défiler des applications lui rappelant les dosages de médicament, l’intubation, la sédation. C’est commode et fiable ».
En cas de question pointue, Facetime fonctionne via le WiFi. « Échanger avec un confrère est le moyen le plus rapide que j’ai trouvé pour se rassurer. Si par exemple on n’est plus sûr de savoir où piquer pour dégonfler un poumon », expose Richard Bernier, du CHU de Québec.
Une équipe de passionnés se lance dans l’aventure, une vingtaine de médecins expérimentés et autant d’infirmiers. Tous ont reçu une formation spéciale. La dernière recrue médicale vient de France, du SAMU. « J’aime mon équipe autant que les requins aiment le sang, déclare leur chef. Il y a une forte confiance entre nous. On n’a pas besoin de se parler dans les airs ».
Un projet à 17 millions d’euros par an
L’avion-hôpital est basé à Québec, capitale nationale. Une centrale téléphonique trie les appels de médecins isolés et débordés par une urgence. Qui privilégier, le polytraumatisé en Gaspésie ou le syndrome coronarien aigu dans la baie d’Ungava ? La décision est prise en 7 minutes, et l’équipe a 50 minutes pour se rendre à l’aéroport. Il y a ensuite 2 heures de vol pour gagner le grand nord. Atterrissage sur les cailloux, faute de bitume. Chargement du patient préparé par le médecin du mieux qu’il a pu en l’absence de plateau technique. Lancement des soins intensifs, et cap sur Montréal, jusqu’au CHU qui prendra le relais.
Le patient n’a rien à débourser. Les hôpitaux assument le transfert et les soins, le gouvernement finance les salaires et l’avion. Soit un budget annuel estimé à 24 millions de dollars canadiens (environ 17 millions d’euros).
« Le temps compte pour les cas graves, reprend le Dr Bernier. Notre dispositif permet de porter secours aux populations des régions éloignées avec une grande rapidité d’exécution. À ma connaissance, un tel avion-hôpital est unique au monde ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature