IL SEMBLE que l’on ait désormais compris que pour rendre crédible le deuxième opéra de Berg, d’après Franck Wedekind, sa « Lulu » maudite et inachevée, point n’est besoin de ces grandes vitrines où l’action se dilue. Tout au plus faut-il une fosse plus grande que celle de l’Opéra de Lyon pour donner aux cordes leur fonction de tapis voluptueux pour le drame qui se joue sur scène.
Peter Stein, homme du théâtre berlinois, s’est très probablement frotté à ce théâtre qui tient plus du vaudeville noir et sordide que de l’opéra, où rien n’appelle le glamour scénique. C’est en tout cas ce que dit sa mise en scène de « Lulu », même si l’on trouve dans les décors de Ferdinand Wägerbrauer juste ce qu’il faut de sophistication et dans les costumes de Moidele Bickel, la fantaisie qui situe socialement les personnages.
Stein dessine à la pointe sèche une direction d’acteurs qui va au plus près de l’action dramatique, même, et surtout, dans les plus petits détails, et la caractérisation de toutes les silhouettes qui gravitent autour de Lulu et sa garde rapprochée, Alwa, Schigolch et la très lesbienne comtesse Geschwitz.
Musicalement, aussi, ces représentations lyonnaises hissent l’uvre vers le haut, avec le magnifique travail du chef japonais Kasushi Ono, à la tête d’un Orchestre de Lyon survolté, une conception plus lyrique et, on ose l’écrire, romantique, d’une uvre que l’on a plus l’habitude d’entendre analyser et disséquer comme à un cours d’anatomie.
L’Américaine Laura Aikin est désormais une spécialiste du rôle de l’héroïne, qu’elle a chanté un peu partout. Elle commence à y laisser quelques aigus, cela fait partie de la malédiction du rôle. Elle est cependant le personnage, avec son allure à la Louise Brooks, même si elle pourrait montrer plus de facettes et de fragilité. La Geschwitz d’Hedwig Fassbaender est tragique sans sombrer dans le cliché. La galerie des hommes qui gravitent autour de Lulu, ceux qu’elle épouse pour leur malheur, comme le Professeur de médecine, le Peintre, Alwa (superbe Thomas Pifka, ténor de format wagnérien) ou ceux pour qui elle est un attrape-mouche, L’Athlète, le Marquis, le Prince, le Lycéen, et les trois sinistres « clients » dans la mansarde londonienne, sont tous superbes. On retrouve avec bonheur le vétéran Franz Mazura, Schigolch de grande classe, qui avait été le Dr Schön lors de la création de la version complète à Paris il y a juste… trente ans ! Depuis cette soirée historique, « Lulu » est passée entre bien des mains. Celles de Peter Stein lui ont probablement rendu sa vocation originale.
Opéra national de Lyon : 0826.305.325 et www.opera-lyon.com. Prochain spectacle : « Mort à Venise », de Britten, du 23 mai au 1 er juin. Prochaine saison sur le thème de l’errance, avec un festival Pouchkine (« Mazeppa », « Eugène Onéguine » et « la Dame de pique »), de nouvelles productions de « Don Giovanni », « Manon Lescaut », « The Tender Land » de Copland, et des créations de Michel van der AA (« After Life ») et Kaija Saariaho (« Émilie »).
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