DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
À LE VOIR donner le tempo sur tous les sujets pendant quatre jours, à l'observer « cuisiner » avec gourmandise le directeur de l'assurance-maladie avant de recevoir quelques heures plus tard la ministre de la Santé, on avait peine à croire que le Dr Cabrera, 28 ans à la tête du SML, « raccroche » dans trois mois. La décision est irrévocable. Sa succession est prête et Opio a entériné la mise sur orbite du Dr Jeambrun (encadré). Paradoxalement, cette page du SML (un livre plutôt…) s'achève à l'heure où les cadres du syndicat – et à travers eux les médecins de terrain – affrontent un tourbillon de textes les concernant, au premier rang desquels le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2009) et la loi Hôpital, patients, santé et territoires dite loi « Bachelot ». Sans oublier la reprise de délicates négociations conventionnelles. Rarement rentrée aura été aussi périlleuse. «Il y a des oursins partout, ça devient difficile d'avancer», résume ce généraliste. Le Dr Cabrera propose lui de «s'embarquer dans la réforme compliquée avec quelques idées simples».
Pas de fumée sans feu.
Il y a dans l'immédiat le PLFSS 2009. Quelles seront les marges de manoeuvre pour la médecine libérale ?Roselyne Bachelot a beau promettre un taux d'évolution «réaliste» pour les soins de ville, chacun a compris que le temps n'est pas aux vaches grasses. Il faut changer de discours. Dépasser la revendication étriquée du C à 23 euros. Parce que, dans la situation actuelle, «l'augmentation de toutes les consultations est utopique», le Dr Cabrera propose de changer de logique et d'expérimenter quelques actes à forte «valeur médicale ajoutée», à un niveau proche de 50 euros. Le pari est de permettre aux médecins de limiter leur activité. Mais les débats techniques ont montré que, derrière le concept, attrayant, les modalités ne sont pas simples.
Autre inquiétude : le spectre de la maîtrise comptable aux antipodes de l'idée de partenariat. Certes, à Opio, le démenti de Roselyne Bachelot a été catégorique : pas question de revenir aux lettres clés flottantes comme le suggérait une version non arbitrée du PLFSS. Il n'empêche : certains médecins se demandent s'il n'y a pas de fumée sans feu. «Un technocrate a osé écrire ça!», constate un médecin pas convaincu.
Dans la même veine, nombre de libéraux du SML s'inquiètent de l' «arsenal répressif» en préparation. Révision de la procédure des pénalités financières avec de lourdes amendes à la clé (« le Quotidien » du 11 septembre), présomption de preuve en faveur des assurés en cas de refus de soins, recours au « testing », possibilité de sanctionner de 7 500 euros les refus de réquisitions… : pour ce médecin généraliste, «c'est du délire»; un autre évoque les «tribunaux d'exception» . «On est présumés coupables», déplore un troisième.Le Dr Cabrera enfonce le clou : les droits de la défense devront être garantis, sinon, ose-t-il, «c'est Guantanamo».
Face à la régionalisation de la santé qui s'avance, les libéraux du SML semblent partagés. Les plus radicaux, et même si Roselyne Bachelot s'en défend chaque jour, redoutent une mise sous tutelle de la médecine libérale via des schémas régionaux d'organisation des soins (SROS) gérant la démographie, l'implantation des maisons de santé, des cabinets de groupe et surtout la permanence des soins. L'organisation des gardes reste un sujet sensible. Pour ce généraliste, «la seule chose qui me ferait descendre dans la rue serait la remise en cause du volontariat et le retour au système d'avant 2002». D'autres médecins, aiguillés par le président Cabrera, veulent croire que la régionalisation constituera une «opportunité» de négociation . Sous réserve que les libéraux trouvent leur place et qu'ils fassent preuve d'imagination : adaptation des politiques de santé, expérimentation de nouveaux modes de rémunération et de nouveaux types de contrats (négociés collectivement mais à adhésion individuelle) que le SML défend depuis des mois. D'autant qu'à Opio la ministre a donné des gages sur l'essentiel : les conventions nationales seront «sanctuarisées».
Malgré les «nuages» et les «turbulences», l'humeur n'est pas à la rébellion, ni à la guérilla. Le SML jugera les réformes sur pièces. Roselyne Bachelot a enclenché la concertation avec les libéraux sur « sa » loi, il faut utiliser cet espace de discussion. Pas question, à ce stade, d'entrer en conflit, a résumé le Dr Cabrera, qui a appelé chacun à rester «vigilant mais cool»; et s'est démarqué du discours plus belliqueux de la CSMF, qui réunit son université d'été le week-end prochain à Cannes. Opio s'est conclu par un hommage au patron. «Sois remercié pour l'ensemble de ton oeuvre, a déclaré un médecin au nom des “fourmis” du SML. Tu nous permets d'être fier d'être libéral et d'espérer dans l'avenir.»
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