LA PREMIÈRE Journée nationale des équipes mobiles spécialisées en psychiatrie vient de se tenir à l'hôpital Sainte-Anne (Paris). Elle a fait salle comble. La relation entre exclusion et troubles psychiques n'est pourtant pas un constat très nouveau : l'ouverture, à l'hôpital Sainte-Anne, du Cpoa (centre psychiatrique et d'orientation et d'accueil), destiné à ceux que l'on n'appelait pas encore les SDF, remonte à 1967. A l'origine, la structure était prévue pour deux ou trois ans. Mais il est du provisoire qui dure.
L'évolution sociale étant ce qu'elle est, c'est au milieu des années 1990 que des équipes mobiles ont commencé à se constituer, spontanément, pour répondre à des besoins mouvants par nature, et largement inaccessibles à une prise en charge sectorisée. Une dizaine d'années et quelques rapports plus tard, ce besoin et les réponses apportées par les équipes mobiles ont gagné une reconnaissance officielle. Le plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008 mentionne les personnes en situation de précarité et d'exclusion, parmi les populations vulnérables dont les besoins en santé mentale doivent être mieux pris en charge. Il est complété par la circulaire du 23 novembre 2005 relative à «la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d'exclusion, et à la mise en oeuvre d'équipes mobiles spécialisées en psychiatrie». Cette circulaire est assortie d'une enveloppe de 10 millions d'euros.
La mission officiellement fixée aux équipes mobiles est triple. En direction d'un public précaire, les équipes ont une fonction de permanence et d'accueil, d'orientation et d'accompagnement. En direction des autres acteurs intervenant en première ligne dans le secteur sanitaire et social, les équipes psychiatriques ont une mission de formation, d'échanges de pratiques et de savoirs, de développement de travail en réseau et de soutien.
Enfin, les équipes mobiles ont une fonction d'interface, à la fois au sein de l'établissement de rattachement et à l'extérieur de l'établissement, avec les partenaires institutionnels et associatifs.
Pour le Dr Gérard Massé (Mission nationale d'appui santé mentale), ces missions correspondent simplement à «des responsabilités princeps du service public en psychiatrie» et s'inscrivent «dans la logique qui a toujours guidé la partie la plus avancée de cette spécialité».
Concrètement, on recense aujourd'hui en France une cinquantaine d'équipes mobiles, certaines déjà expérimentées, d'autres plus récentes, travaillant en zone urbaine, bien sûr, mais aussi en zone mixte et en zone rurale, où l'exclusion existe aussi. Une enquête, réalisée par le Dr Alain Mercuel (chef du service d'appui santé mentale et exclusion sociale, hôpital Sainte-Anne) auprès de vingt-huit d'entre elles, donne quelques indications sur leur profil et leur activité.
Ces équipes comportent des psychiatres, des infirmiers, des psychologues, plus rarement des éducateurs et, plus rarement encore, une assistante sociale ou un généraliste. L'orientation « psy » est donc marquée. En majorité, les équipes disposent d'un local pour assurer des permanences et mener des entretiens. Certaines se déplacent sur des lieux d'hébergement sociaux, et, parfois, installent une permanence sur le site. La moitié part en maraude, sur le modèle du Samu social. On note également que certaines équipes ont élargi leur mission à des activités spécifiques, comme l'orientation vers les soins somatiques, la préparation à l'hospitalisation et la préparation à la sortie de l'hôpital. Côté difficultés reviennent fréquemment les problèmes rencontrés avec la définition un peu « cadastrale » des secteurs – les équipes couvrent en moyenne six secteurs –, les demandes à la fois de consolidation de l'équipe et de reconnaissance du travail, enfin, les problèmes d'évaluation des pratiques, point faible traditionnel de la psychiatrie.
La souffrance psychique.
Des équipes et des pratiques relativement diversifiées, donc, qui cherchent les meilleures modalités d'intervention au carrefour du sanitaire et du social. Toutes se retrouvent au moins sur ce point : il ne s'agit pas de se limiter à la maladie psychiatrique avérée – quelque 5 % de la population –, mais bien de s'adresser à la souffrance psychique, qui concerne, elle, entre 30 et 40 % de la population générale, et sans doute beaucoup plus dans une population précarisée.
Expliquant ce qu'ont été les besoins psychiatriques dans le campement des Don Quichotte, installé cet hiver le long du canal Saint-Martin, Philippe Coste (directeur de la Dass de Paris) a d'ailleurs souligné la rareté des cas lourds, relevant d'une hospitalisation d'office. Le gros des interventions concernait des cas limites, aggravés par l'alcool ou une toxicomanie : «Une zone grise, justifiant une intervention psychiatrique coordonnée avec d'autres modes de prise en charge.»
De ce point de vue, l'important est que les acteurs de ces autres prises en charge, sociales ou médicales, soient informés de l'existence et des possibilités des équipes mobiles spécialisées en psychiatrie. Comme le souligne le Dr Mercuel, «les généralistes doivent savoir que nous existons et comment nous joindre, pour, le cas échéant, faire appel à nous».
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