Congrès Hebdo
Les dispositions du code de santé publique
Une obligation juridique
LA PRISE EN CHARGE de la douleur, une obligation juridique, comme le précise le code de santé publique. L'abondance des textes atteste son importance. Les pouvoirs publics l'ont dans un premier temps fixé comme une priorité nationale. Depuis, un long chemin a été parcouru, comme en témoignent les réformes successives du code de santé publique et du code de déontologie médicale, diverses circulaires, la loi du 4 mars 2002 et, enfin, les deux plans de lutte contre la douleur. La philosophie de ces textes est que le soulagement de la douleur permet de mieux respecter la dignité du patient.
Les obligations du personnel soignant.
Cette prise en charge devrait être pluridisciplinaire. Sa prévention résulte des dispositions de l'article L1110-5 du code de santé publique. Elle concerne notamment les soins et la chirurgie. La rédaction et l'application des protocoles de prise en charge répondent à des règles strictes. L'article précise en particulier que « la douleur doit être en toutes circonstances évaluée ». Dans l'hypothèse d'une saisie du dossier médical par un expert judiciaire, l'absence de toute mention sur ce point laisserait à penser que l'évaluation n'a pas été faite. L'expert pourrait alors éventuellement conclure à une défaillance ou à un manquement.
Le médecin doit s'efforcer de mettre en œuvre les moyens dont il dispose pour soulager au mieux son patient. Ainsi, la formation continue « constitue un élément essentiel pour assurer l'adhésion des personnels à la politique d'amélioration de la prise en charge de la douleur », comme le souligne le guide de mise en place du plan de lutte contre la douleur.
Un cas concret permet de mieux comprendre les implications de la prise en charge du phénomène douloureux. Un patient est par exemple hospitalisé pour une intervention chirurgicale. Des antalgiques lui sont prescrits à titre systématique pour le jour de l'intervention, puis à la demande, sans autre précision. Le traitement, insuffisant, n'est pas modifié malgré les plaintes. Le traitement antalgique de sortie est toujours le même... Dans l'hypothèse de ce cas d'école, le patient pourrait-il intenter une action en justice ? Devant quelles juridictions, civiles ou pénales ? Quel serait le fondement de sa demande, le grief ? Quelles sont les conditions pour que la responsabilité du médecin soit retenue ? Quelle est la pièce essentielle au dossier pour que le médecin démontre qu'il a agi selon les « règles de l'art » ?
Une obligation de moyens.
Dans une telle hypothèse, le patient devrait saisir les juridictions civiles, c'est-à-dire le tribunal de grande instance. Les juridictions pénales (tribunal de police, correctionnel, cour d'assises) sont compétentes pour juger des infractions de coups et blessures involontaires, qui seraient difficilement retenues dans ce cas. En cas d'action en justice, le patient déposerait une demande de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi. En l'espèce, son grief serait une insuffisance dans la prise en charge de la douleur, un manquement à l'obligation de prise en charge de la douleur. Etant le demandeur, il lui appartient de rapporter la preuve de ce manquement et du préjudice subi. Dans ce type de contentieux, le tribunal va nommer un médecin expert afin d'apporter un éclairage sur la qualité des soins prodigués, les défaillances possibles dans la chaîne des soins et la description des préjudices qui en résultent.
L'action civile est recevable, c'est-à-dire que la responsabilité du médecin peut être retenue, si trois conditions cumulatives sont réunies. La première est la faute dans l'obligation de prise en charge de la douleur, c'est-à-dire un manquement au stade de la prévention, du traitement ou de l'évaluation. La deuxième est la mise en évidence du dommage lui-même. La faute doit en effet avoir causé un préjudice au patient. Il s'agit, dans le cas de ce sujet, des douleurs qui auraient pu être prises en charge par des traitements plus appropriés. Enfin, il est nécessaire de démontrer que la cause du dommage est la conséquence de la faute. L'absence d'un seul de ces trois éléments écarterait la responsabilité de l'équipe soignante. Ainsi, si le médecin a donné « des soins consciencieux et conformes aux données actuelles et acquises de la science », mais si des douleurs ont malgré tout persisté, la responsabilité du médecin est écartée en raison de l'absence de faute.
« La douleur n'est pas une fatalité », tel était le postulat de départ du premier plan de lutte contre la douleur. Aujourd'hui, à la notion de droit s'oppose celle de devoir. Le médecin et les établissements de santé ont dès lors l'obligation de prendre en considération la douleur et de s'efforcer de la soulager. Le cas échéant, ils pourraient voir leur responsabilité civile engagée.
Toutefois, même si la prise en charge de la douleur fait partie des priorités nationales, il n'en demeure pas moins que le médecin reste tenu à une obligation de moyens et non de résultat.
D'après la communication de Nathalie Lelièvre, barreau de Lyon.
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