L’ADN semble bégayer
A chaque extrémité de nos chromosomes, l’ADN semble bégayer : TTAGGGTTAGGGTTAGGGTTAGGG… Une séquence de six nucléotides qui ne code pour aucune protéine se répète presque sans fin sur des milliers de paires de bases pour former ce qu’on nomme les télomères. Et si la fonction de la plupart des séquences répétitives de l’ADN reste encore mystérieuse, celle des télomères est aujourd’hui assez bien comprise : ces bégaiements participent au maintien de l’intégrité du génome.
Structure secondaire résistante
Les extrémités d’une molécule d’ADN linéaire telle qu’un chromosome humain sont très fragiles. Elles peuvent facilement être dégradées par diverses enzymes présentes dans les cellules. Par ailleurs, elles ont une fâcheuse tendance à fusionner ou à se recombiner avec d’autres molécules d’ADN, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses sur le programme génétique de la cellule. Les répétitions télomériques permettent d’éviter ces deux problèmes : grâce à leur séquence primaire riche en guanine, les télomères adoptent en effet une structure secondaire complexe, résistante aux enzymes et capable d’empêcher les fusions mal venues.
Erosion
Cependant, cette structure ne permet pas s’affranchir d’un troisième et dernier problème spécifique aux extrémités de l’ADN : l’érosion de la molécule associée à la réplication de l’ADN. De part son mode de fonctionnement, la machinerie chargée de recopier les chromosomes avant chaque division cellulaire est incapable de recopier une extrémité des brins de l’ADN.
Vieillissement
Ainsi, à chaque fois qu’une cellule se divise, ses chromosomes raccourcissent de quelques dizaines de nucléotides. Lorsque la longueur des télomères finit par atteindre une taille minimale critique, la cellule arrête de se diviser. Elle entre en sénescence et induit sa propre mort par apoptose. Ce phénomène serait largement impliqué dans le vieillissement cellulaire.
Cependant, certaines cellules sont capables de se multiplier pratiquement indéfiniment sans montrer le moindre signe de sénescence. C’est notamment le cas des cellules tumorales. Lorsqu’on examine leurs chromosomes, on constate que leurs télomères ne raccourcissent pas au cours des divisions. Ces cellules doivent leur quasi-immortalité à une enzyme capable de compenser l’érosion des télomères en ajoutant des répétitions télomériques au bout des chromosomes qui viennent d’être répliqués : la télomérase.
La télomérase
La télomérase est constituée d’une protéine capable de fabriquer de l’ADN et d’une matrice d’ARN complémentaire aux répétitions télomériques. Elle est activée au cours du développement pour permettre une prolifération cellulaire intense dans les tissus foetaux. Dans l’organisme adulte normal, elle n’est exprimée que dans les cellules germinales.
De nombreuses équipes de scientifiques s’intéressent aux mécanismes qui régulent l’activité de cette enzyme. En découvrant comment l’activer dans les cellules adultes somatiques, il pourrait être possible de retarder la sénescence cellulaire et le vieillissement de l’organisme. Inversement, en mettant au point des stratégies visant à inhiber l’enzyme dans les cellules cancéreuses, certaines équipes espèrent aboutir au développement de nouveaux traitements antitumoraux.
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