« Massacre à la tronçonneuse ». Bernard Salengro ne décolère pas face à une réforme annoncée des services de santé au travail dont on retiendra, pour faire court, qu’elle éloigne un peu plus le salarié lambda du médecin, en transférant l’essentiel du suivi à l’infirmière. Et le porte-voix des médecins du travail d’ironiser : « Si on faisait conduire l’avion par l’hôtesse de l’air, plutôt que par le pilote, cela coûterait moins cher… » La comparaison est peut-être un peu excessive. Mais c’est vrai qu’il y a comme un paradoxe à modifier la donne au pas de charge, au prétexte d’une méga crise des vocations dans la spécialité.
Cette cure d’amaigrissement intervient de surcroît alors que le monde de l’entreprise donne de plus en plus de signaux pathogènes. Les illustrations du malaise sont légion, y compris dans le secteur de la santé. L’AP-HP vient de rouvrir avec fracas la boite de Pandore des 35 heures, pendant que la Croix-Rouge se voit épinglée pour les cadences qu’elle impose... Dans ce contexte, la Sécu s’inquiète de l’inflation des arrêts de travail et l’initiative de Benoît Hamon tendant à faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle relance le débat sur les maux du travail... Perte de sens, dépersonnalisation, crainte de perdre son job… Dans une société sans boussole, on évoque non seulement le burn-out, mais aussi, désormais, son reflet symétrique, le bore-out, qui frappe ceux, de plus en plus nombreux, paraît-il, qui s’ennuient ferme au boulot, mais n’osent plus en bouger…
La situation des sans-emploi n’est, bien entendu, pas plus enviable alors que les derniers chiffres montrent que la bataille est loin d’être gagnée sur le front du chômage : le seul défi qui vaille pourtant pour ce gouvernement et sur lequel il sera jugé à la fin du quinquennat... Il y aurait beaucoup à dire sur le versant sanitaire de cette tragédie sociale qui frappe si fortement la France. Les conséquences en termes de santé publique sont non négligeables. Tout le monde le sait. Mais qui s’en soucie, la foule des chômeurs traversant l’existence en dehors des passages cloutés… Dans ce contexte, il faudrait, bien sûr, une réponse sanitaire plus musclée et plus coordonnée, au-delà des frontières de la médecine du travail. Il y a quelques mois encore, on parlait de réformer celle-ci en mettant les généralistes dans la boucle… Il n’en est plus question désormais. Mais les exclus de « la loi du marché » quels qu’ils soient, ne sont-ils pas amenés à se retrouver tôt ou tard dans leur salle d’attente ?
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