L'AIR EST CONNU : c'est dans les 90 premiers jours qu'un gouvernement imprime sa marque. On découvre que François Fillon ne manque ni de courage, ni de fermeté, ni d'agressivité, alors que ceux qui prétendent le connaître insistent sur son absence de charisme et peut-être d'ambition. Ces jours-ci, il ne nous semble pas moins dynamique que Nicolas Sarkozy, ce qui n'est pas peu dire. D'abord, il veut gagner les élections législatives et, dans cet objectif, il prend quelques risques : il se présente dans sa localité, Sablé-sur-Sarthe, contre le socialiste Stéphane Le Foll et affirme en même temps que tout membre du gouvernement qui ne sera pas élu perdra son portefeuille, ce qui vaut, bien sûr, pour lui aussi.
Certes, il y a peu de chances qu'il perde ; et M. Le Foll, pour tout argument, invoque l'hypocrisie d'une candidature qui enverra à l'Assemblée le suppléant de M. Fillon et pas M. Fillon.
Le plus ennuyeux, dans la polémique politique, c'est le reproche adressé à une conduite que l'on a eu l'occasion d'adopter soi-même. Mais on comprend que le candidat socialiste dans la Sarthe préférerait une bataille avec le suppléant à un affrontement avec M. Fillon.
Pur électoralisme ?
La gauche dénonce une action du gouvernement qui, selon elle, est entièrement tournée vers une victoire aux législatives ; la fameuse « ouverture » n'aurait pour but que de ratisser large dans l'électorat et ne correspondrait à aucun engagement politique ; et les multiples effets d'annonce n'auraient aucun contenu économique et social.
Ce ne peut être tout à fait vrai dès lors que le Premier ministre se donne un programme très chargé au-delà du 10 juin. Il ira très vite avec les syndicats au sujet du service minimum et du contrat unique. Il fixe des dates : l'automne pour le premier sujet, la fin de l'année pour le second.
Pour la gauche et les syndicats, cela ressemble fort à un ultimatum, et on ne peut pas leur donner tort : bien que le gouvernement doive aller vite, ses méthodes semblent démentir ses promesses, de même qu'il ne saurait jouer sur l'ambiguïté des mots pour trahir, en définitive, les engagements de Nicolas Sarkozy.
Bien entendu, les syndicats auront tendance à jouer la montre alors que le Premier ministre court déjà contre elle. De sorte que, s'il est légitime que M. Fillon souhaite instaurer un service minimum, après les excès de nombreuses grèves, si sa proposition de contrat unique devrait intéresser tout le monde, patrons et salariés, il ne doit pas renouveler l'erreur de Dominique de Villepin : l'ancien Premier ministre, lui aussi, voulait aller vite avec le CPE, et il lui a sacrifié sa carrière.
Un petit tour à l'hôpital.
Fixer une date rapprochée pour des décisions sociales fortes, ce n'est pas vraiment donner du temps au dialogue. Rien, d'ailleurs, n'interdit au gouvernement de presser le pas pendant la négociation.
IL FAUT SUREMENT FAIRE VITE, MAIS IL FAUT AUSSI FAIRE DU DURABLE
De la même manière, Nicolas Sarkozy ne peut pas arriver à l'hôpital de Dunkerque (« le Quotidien » d'hier) et sembler découvrir le dossier hospitalier, comme s'il ne faisait pas l'objet de politiques précises, encadrées par des plans successifs ; il ne peut pas s'emballer comme un néophyte sur le manque de moyens et promettre de tout changer, alors que toute son action se heurtera constamment à l'obstacle du financement ; il ne peut pas oublier que, dans le gouvernement de M. Fillon, il y a un homme, Xavier Bertrand, qui a été associé pendant cinq ans à la politique de santé de Jacques Chirac. Et qui, lui, ne découvre certainement pas les difficultés de notre système hospitalier.
On aura donc décelé, à la fois dans la forme et dans le fond, une certaine confusion, une hâte qui démentirait presque la réputation de compétence du président et, surtout, un amalgame entre le discours électoraliste et le propos technique. Or M. Fillon est appelé à trancher sur la fusion Suez-GDF dans deux mois au plus tard, il adoptera la réforme de l'université en juillet, il mettra en application un plan sur l'emploi des jeunes dès cet été (sans avoir besoin de consulter le Parlement), il mettra en vigueur dans les semaines qui viennent une réforme fiscale assez profonde, et il présentera à l'Assemblée des textes destinés à renforcer la répression de la délinquance juvénile.
On veut bien que l'ubiquité et le zèle du gouvernement lui permettent de faire avancer toutes ces mesures à la fois, on doute que les fonctionnaires, les enseignants, les policiers, les magistrats, les syndicats seront longuement consultés si la totalité des résultats doit être obtenue dans les trois mois.
Or la victoire à la présidentielle doit être complétée par une victoire aux législatives, qui renforcerait la légitimité du gouvernement dans ses négociations ; mais la puissance politique n'empêchera pas le « troisième tour social » si elle n'est pas assortie de l'esprit de dialogue dont on nous a juré qu'on ferait preuve.
La réforme doit être engagée. Mais elle doit être irréversible, sinon nous retomberons dans l'ornière. S'il faut faire vite, il faut aussi faire du durable, pas de l'éphémère. Bien entendu, le gouvernement ne peut pas obtenir l'onction syndicale et de l'opposition pour toutes ses actions. Mais il peut l'avoir pour quelques-unes. Et, surtout, il ne réussira que s'il n'humilie personne ni chez les fonctionnaires, ni chez les enseignants, ni chez les syndicats. Sinon, tôt ou tard, ils casseront ce qu'il aura construit.
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