> Idées
FAUT-IL COMMENTER certaines attaques ? « Les autres continents ont des singes ; l'Europe a des Français. » Certains goûteront pourtant la répartie : « Le véritable caractère des Allemands est la lourdeur, elle éclate dans leur démarche, leurs faits et gestes, leur langage... » On peut ne pas détester : « Les religions sont enfants de l'ignorance : elles ne survivent pas longtemps à leur mère. » ou « Les amis se disent sincères ; les ennemis le sont. »
Comment, par ailleurs, passer sous silence une misogynie qui se décline de l'amusante perfidie à la franche grossièreté ? Pour que le lecteur ne nous soupçonne pas d'y adhérer quelque peu, on se contentera de : « Qualifier de beau ce sexe de petite taille, aux épaules étroites, aux hanches larges et aux jambes courtes ne peut être que le fait d'un intellect masculin troublé par l'instinct sexuel. »
Le jugement de la mère.
Il est intéressant de savoir que Schopenhauer eut de constants démêlés avec sa mère. On a pu penser qu'il jalousait les succès d'une femme qui écrivait des romans frivoles. Il semble qu'elle ait parfaitement jugé son fils, qu'elle tance en ces termes : « Il faudrait tout de même que tu deviennes globalement un peu plus prudent dans tes jugements. » Et dans une autre lettre : « Tu me parais trop négatif, trop méprisant à l'égard de ceux qui ne sont pas comme toi. »... Et, pourrait-on ajouter, qui ne pensent pas comme toi : c'est le cas de Kant, inventeur de cette loi morale « oreiller sur lequel se vautrent les ânes », créateur d'une pensée qui n'est qu'un « vaste réseau de phrases ». Une pensée tellement nulle qu'il va passer sa vie à la réfuter. Pourtant, d'une manière générale, dit-il, « seules les pensées que l'on a soi-même sont vraies et vivantes : car ce sont les seules que l'on comprend. Les pensées étrangères, lues, sont des chiures de merde ».
Bien sûr, tout ceci ne donne pas forcément une bonne image de Schopenhauer. Elle correspond assez bien à un être souvent amer : son œuvre principale, « le Monde comme volonté et comme représentation », publiée en 1819, fut incomprise, et son auteur a usé ses forces vives à jouter contre des maîtres plus prestigieux. Professeur à Berlin, Schopenhauer voit tous ses étudiants déserter son cours pour lui préférer ceux de l'immense Hegel.
L'homme privé, atrabilaire et paranoïaque, pouvait écrire des pages entières contre le bruit des fouets de cocher qui l'énervait. Sa philosophie, complexe et volontiers orientalisante, demeure intéressante et arrive à sublimer le pessimisme qui lui faisait écrire : « La vie ressemble à une bulle de savon que nous entretenons aussi longtemps que possible, avec pourtant la certitude qu'elle éclatera. »
Textes réunis et présentés par Franco Volpi, Seuil, 170 pages, 15 euros.
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