R ONGEURS, reptiles, batraciens, serpents à sonnette, orangs-outans et autres renards : les NAC représenteraient aujourd'hui les deux tiers des 50 millions d'animaux de compagnie recensés en France, selon des spécialistes réunis au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris. Avec ces compagnons plus ou moins légalement entrés sur le territoire, des risques sanitaires « non négligeables » font leur apparition.
François Moutou, vétérinaire à l'Agence française de sécurité sanitaire (AFSSA), qui met en garde les propriétaires, cite en particulier le cas de cette roussette d'Egypte, une chauve-souris vendue dans une animalerie de Bordeaux et morte de la rage. « En période d'incubation, cette maladie est difficilement détectable, précise-t-il. 120 personnes ont dû être vaccinées après contamination dans le département du Gard. Les chauves-souris tropicales sont en outre reconnues ou suspectées de pouvoir porter des virus mortels, dont celui d'Ebola, en Afrique. »
Les chiens de prairie, des écureuils qui doivent leur nom à leur « aboiement » et qui sont importés en France depuis quelques années, représentent dans leurs terres natales nord-américaines un réservoir classique de la peste bubonique. Une épizootie a sévi en 2000 sur toute leur aire de répartition.
Un autre NAC, le phalanger renard, est un marsupial devenu le principal réservoir de la tuberculose bovine en Nouvelle-Zélande. Les oiseaux et les reptiles ne sont pas en reste : les premiers sont régulièrement porteurs de Chlamydia et les seconds de salmonelle.
Le nombre des zoonoses est passé de 150 à 180
Selon Charles Pilet, ancien directeur de l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, le nombre des zoonoses connues atteignait 150 il y a cinquante et il s'élève aujourd'hui à près de 180 en raison de la multiplication des NAC. « Si le spectre des infections transmises par les oiseaux en captivité ne s'élargit pas notablement par rapport à la liste des maladies reconnues, estime-t-il, dans une intervention à l'Académie des sciences ; par contre, l'importation et le contact avec les primates accroissent singulièrement le risque de contamination nouvelle. Les singes et plus particulièrement les anthropoïdes constituent un des réservoirs les plus inquiétants. Potentiellement porteurs sains de nombreux parasites et agents infectieux, ils peuvent développer une forme évolutive ou de manière plus insidieuse, devenir excréteurs temporaires, à l'occasion d'un stress (capture, transport, maladie intercurrente...) »
Selon l'ancien président de l'Académie de médecine, « il faut redouter en premier lieu le portage d'endoparasites (Entamoeba histolytica strongyloides, sophalgostomuums, Aukylostomes, Ascaris, Trichuris), suivis par les viroses, notamment les Herpesviroses ».
« La prise de conscience des risques encourus », déplore François Moutou, arrive loin derrière l'engouement observé en faveur des NAC.
Création d'une mission parlementaire
La commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale vient de décider de mener l'enquête sur les trafics d'animaux. C'est une députée vétérinaire de profession, Geneviève Perrin-Gaillard, élue PS des Deux-Sèvres, qui a pour mission de mener une réflexion et des investigations aussi bien sur l'identification (tatouage, puce électronique) que le contrôle et la protection des animaux de compagnie. Les filières commerciales illégales et les réseaux organisés de vols d'animaux feront partie de son champ d'investigation.
Des contrôles vétérinaires très difficiles
« Comment distinguer dans une animalerie les poissons dont la vente est autorisée de l'espèce protégée, demande Sylvain Posière (Direction des services vétérinaires), alors que la différence peut tenir uniquement au nombre de leurs écailles latérales ? Comment savoir que le python exposé fait bien partie du lot importé avec les papiers en règle ? »
Pour enrayer la commercialisation illicite des espèces, la tâche des inspecteurs est souvent des plus ardues : en théorie, les frontières entre le commerce autorisé et le trafic sont tout à fait claires. Mais la CITES (Convention internationale sur le commerce des espèces menacées), adoptée en 1973 à Washington et ratifiée à ce jour par 153 pays, fait un tri qui n'est pas facile à appliquer sur le terrain.
Pour brouiller encore les pistes, les types de fraude les plus importants en valeur sont ceux liés à la réexportation de spécimens différents des animaux importés et les fausses déclarations d'animaux nés en captivité, précise Jean-Patrick Le Duc, ancien responsable de la lutte contre la répression des fraudes à la CITES. Selon cet expert, qui intervient aujourd'hui pour l'Organisation mondiale des douanes, rien que dans sa partie légale, le commerce des animaux porte annuellement sur 20 000 à 30 000 singes, 2 à 5 millions d'oiseaux vivants, 10 à 15 millions de peaux de reptiles et 500 à 600 millions de poissons d'ornement.
La vente d'animaux sauvages est estimée au total à quelque 120 milliards de francs par an, dont 30 seraient gagnés frauduleusement.
Le commerce illicite des espèces sauvages se place juste derrière celui des stupéfiants, à laquelle il est parfois lié, comme dans le cas d'expédition de drogue dans le ventre d'un boa.
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