Idées
CE QU’ON NIE a souvent valeur d’aveu du contraire. « Loin de moi, écrit l’auteure, l’idée d’écrire un énième livre de prof pleurnichant sur son autorité perdue. » Ce n’est pas totalement ce qu’elle fait puisqu’elle a choisi de beaucoup rire d’ « un système archaïque qui nous punit tous ».
On avait déjà beaucoup ri lorsqu’un ancien ministre avait affirmé que « l’Éducation nationale, c’est l’armée rouge plus la General Motors ». Peggy Derder, elle, se gausse de l’appellation « communauté éducative ». Rien d’uni ni de solidaire dans ce petit monde où la hiérarchie, le degré d’implication et les rivalités internes font à tout instant éclater l’ensemble. De fait, l’école ressemble de plus en plus à une entreprise.
En témoigne le portrait très enlevé qui est fait du chef d’établissement. D’abord, c’est souvent « un réformé de l’enseignement, un ancien prof bordelisé au bout du rouleau qui rêvait de faire carrière » et qui en est réduit à jouer au chefaillon avec ses anciens collègues. Mais son côté Janus est révélateur. Il doit froidement gérer un budget toujours sur la corde raide et, par ailleurs, s’adonner à ce vice typique de l’institution, la réunionite aiguë. Son unique obsession : servir la soupe à toutes les parties prenantes du collège ou du lycée, pas de vagues, éviter d’être cité au 20 Heures, ce qui nuirait à l’image de l’établissement. C’est ainsi qu’un professeur agressé par un élève croise souvent en sortant du bureau du proviseur l’élève en question, rigolard et assuré d’une écoute bienveillante.
Et puis il y a les profs. On le sait, ils font le plus beau métier du monde. Ils sont garants de l’école républicaine. Leur tâche est simple : garder, punir, éduquer, instruire, former, épanouir et socialiser les enfants.
Ce qui énerve particulièrement l’auteur, c’est que beaucoup se croient encore obligés de dire qu’ils ont « la vocation ». Le ministère fait écho à cela en parlant d’une crise de ces vocations et en la condamnant par la baisse du nombre de postes ouverts aux concours. Par pitié, s’écrie l’auteure, ne devenez pas prof par vocation, on a tout fait pour que vous ne l’ayez pas !
Ségrégation.
La réflexion s’approfondit et se théorise davantage en s’accrochant à la barbe de Jules Ferry. L’école devait assurer la promotion des valeurs républicaines, en particulier l’égalité. On saura gré à Peggy Derder d’analyser un problème comme la sectorisation et le choix des établissements. On se plaignait amèrement lorsque ce choix était restreint, la ségrégation socio-spatiale renforçant la ségrégation scolaire. Depuis la rentrée 2008, les parents peuvent inscrire leur enfant dans l’établissement de leur choix. C’est le libéralisme pour tous, mesure qui renforce bien sûr la sélection.
Un petit groupe de pages est consacré à une typologie des profs et on s’amuse beaucoup. Bizarrement, on les a tous connus il y a trente-cinq ans : le syndicaliste, le démago, le déraciné de province. N’est-ce pas la preuve que rien ne change dans le paysage éducatif français ?
Emportés par l’automne, feuilles de notes et feuilles de marronniers tombent en tourbillonnant.
Peggy Derder, « Mon cas d’école », Flammarion, 158 pages, 12 euros.
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