Les spores de bacille du charbon, qui ont fait aux Etats-Unis 3 morts et au moins 10 malades (forme pulmonaire ou cutanée), contaminant également 32 personnes sans qu'elles présentent de symptômes de la maladie, proviennent apparemment toutes de la même souche. Mais elles ne présentent pas les mêmes caractéristiques en concentration et en pureté.
La souche identifiée par les experts civils et militaires, dénommée « Ames », avait été isolée dans les années cinquante par des chercheurs de l'université d'Iowa ; des échantillons auraient alors été distribués pour des recherches supplémentaires à des chercheurs du monde entier. Les analyses effectuées par le laboratoire des armées américaines (USAMRIID) de Fort Detrick (Maryland) sur la nature du traitement chimique de ces spores oriente les chercheurs vers une fabrication par un laboratoire américain, rapporte un enquêteur cité par le « Washington Post ».
Trois pays
Mais, même confirmée, une marque de fabrique américaine ne serait pas suffisante pour conclure que le bacille utilisé dans la contamination a été obtenu aux Etats-Unis : trop peu d'éléments sont en effet connus sur la façon dont cette arme bactériologique a été stockée au cours des quarante dernières années.
En outre, ce type de spores « est fabriqué aux Etats-Unis, en Irak et en Russie », a précisé le démocrate Tom Daschle, chef de la majorité du Sénat.
Quatre critères entrent dans le processus de leur « militarisation » : la volatilité, rendue possible par un traitement chimique antistatique, pour éviter que les spores ne s'agglomèrent et retombent sur le sol, la quantité produite, le taux de concentration et la taille.
De ces deux derniers facteurs dépend la virulence des spores. « Plus ils sont concentrés et petits, plus ils sont dangereux, car il peuvent être plus facilement absorbés dans le système respiratoire », explique le directeur du bureau de la sécurité intérieure, Tom Ridge.
Or, différentes tailles et différentes concentrations ont été mises en évidence : le bacille contenu dans la lettre envoyée au chef de la majorité démocrate du Sénat était plus fin que les autres de 1,5 à 3 microns de diamètre, selon un sénateur républicain également médecin, le Dr Bill Frist ; en revanche, celui envoyé au « New York Post » était « plus grossier et moins concentré ».
Si le général John Parker, responsable des recherches médicales militaires aux Etats-Unis, n'a pas confirmé que les spores des différents échantillons avaient subi un traitement chimique destiné à améliorer leur volatilité, il a admis qu'avaient été observées au microscope « certaines choses qui ressemblent à des éléments étrangers ». A ce stade des recherches, « nous ne savons pas si ce sont des additifs », a-t-il prudemment souligné.
Les autorités sanitaires reconnaissent, quoi qu'il en soit, qu'elles ont sous-estimé la portée des attaques au charbon. « Nous avons cru qu'une enveloppe, à moins d'être ouverte, ne pouvait pas contaminer et nous avons eu tort », a déclaré le Surgeon General David Stacher, la plus haute autorité médicale américaine. « Notre système de santé est à présent en état d'alerte maximum dans tout le pays et il travaille jour et nuit pour identifier et traiter les personnes potentiellement affectées par le charbon », a assuré Tom Ridge. Près de 10 000 employés du Parlement, de la poste et de plusieurs entreprises de presse ont déjà reçu une antibioprophylaxie.
Le groupe pharmaceutique allemand Bayer s'est engagé dans ce contexte de demande massive à fournir à Washington d'ici à la fin de l'année jusqu'à 300 millions de comprimés de ciprofloxacine en échange d'un rabais de près de 50 % (95 cents pièce au lieu de 1,77 dollars) ; Johnson and Johnson a offert de son côté 100 millions de comprimés de son anti-infectieux Levaquin (lévofloxacine), à condition que la maladie du charbon soit ajoutée à la liste de ses indications. Enfin, Pfizer a promis d' « apporter toutes (ses) ressources sur les lignes de front de la guerre contre le terrorisme » en augmentant la production de doxycycline.
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