DEPUIS 1969, date de la dernière pandémie mondiale, dite grippe de Hong Kong, les virologues affirment que chaque jour nous rapproche un peu plus d'une nouvelle pandémie. L'analyse épidémiologique des épidémies survenues au cours du XXe siècle montre en effet que ces phénomènes se répètent de façon régulière mais que le délai entre les pandémies reste extrêmement variable : de 11 à 39 ans. Face à la probabilité statistique d'une nouvelle atteinte mondiale dans les années à venir et en raison de l'émergence récente de situations épidémiques particulièrement préoccupantes (sras et grippe aviaire), l'OMS a mis en place en 2002 un programme de préparation de la pandémie grippale mettant en exergue quatre points principaux. En premier lieu, il s'agit de l'amélioration de la surveillance virologique et épidémiologique chez l'homme et l'animal afin de détecter et d'étudier le plus rapidement possible les nouvelles souches potentiellement pandémiques.
La détection des variants potentiellement pandémiques.
« De l'efficacité des réseaux de surveillance nationaux et internationaux, en effet, dépendent la connaissance des virus en circulation, l'adéquation de la composition des vaccins et, bien sûr, la détection de nouveaux variants potentiellement pandémiques », analyse le Pr Sylvie van der Werf (Institut Pasteur, Paris). Sur le thème de l'amélioration des techniques d'alerte et d'anticipation, le développement de modélisations des variations génétiques et antigéniques pourrait constituer une nouvelle forme d'outils de prédiction de l'évolution des virus grippaux en périodes interpandémiques. Le deuxième point a trait à une meilleure compréhension des répercussions sanitaires et économiques de la grippe. La troisième recommandation a pour but la préparation et la mise en place d'actions nationale et internationale de préparation à la pandémie.
Enfin, l'OMS propose d'accroître l'utilisation du vaccin antigrippal en période interpandémique. A l'heure actuelle, en effet, chaque année, seulement 250 millions de doses de vaccins produites sur œufs embryonnés peuvent être produites dans le monde. La proposition de l'organisation internationale sur l'augmentation de la couverture vaccinale a pour but indirect d'augmenter les capacités de production mondiale à la fois en période interpandémique et dans le cas où une épidémie mondiale surviendrait.
Le virus H5N1 tue les œufs embryonnés.
Néanmoins, la fabrication vaccinale sur œuf embryonnés, qui reste à ce jour la seule méthode industrielle opérationnelle de production du vaccin, connaît des limites. C'est le cas des vaccins dirigés contre le virus H5N1, car la souche injectée aux œufs induit une mort de l'embryon et, de ce fait, empêche la production vaccinale. En outre, dans ce type de production, toutes les étapes - du choix des souches aux contrôles de tolérance - restent un défi quand on sait qu'une course contre la montre peut être engagée. « Bien que la culture industrielle du virus sur cellules soit désormais envisageable, d'importantes questions de sécurité virale restent encore posées. La technique de génétique inverse, utilisant une reconstitution du virus à partir de fragments clonés, pourrait permettre d'y répondre, mais sa validation n'a pas encore été acquise. Elle ne pourra donc être disponible que dans un avenir plus lointain », conclut le Pr van der Werf. Ce délai sera-t-il suffisant avant la prochaine pandémie ? Seul le futur nous le dira.
Bruxelles. 17es Rencontres européennes sur la grippe et sa prévention.
Cet hiver, il y aura 2,3 millions grippés en France
En septembre 2003, le Dr Antoine Flahault (Inserm U444) et son équipe avaient estimé, en se fondant sur l'analyse des variants grippaux circulants, les modèles d'épidémie grippale des années précédentes et des facteurs climatiques survenant dans l'océan Pacifique (El Niño et La Niña) que 3,2 millions de Français (intervalle de prévision entre 2,3 et 4 millions) seraient touchés par l'épidémie de grippe au cours de l'hiver 2003-2004. L'estimation a posteriori de l'étendue de l'épidémie a été de 2,9 millions de sujets atteints (contre 1,4 million l'année précédente) ; 52 % des malades étaient âgés de moins de 20 ans et 5 % de plus de 65 ans. Moins d'une personne de plus de 65 ans sur vingt a été hospitalisée du fait de la maladie. La circulation virale a débuté précisément et l'épidémie s'est révélée brève et d'intensité moyenne. Le seuil épidémique a été franchi au début de novembre (au moment des vacances scolaires de la Toussaint, semaine 45) et elle a pris fin à la mi-janvier (semaine 3).
Pour la saison hivernale 2004-2005, en raison d'un phénomène El Niño modéré prévu au cours de l'automne et en prenant en compte la circulation de virus de type B et H3N2 au cours de l'hiver austral, les épidémiologiques concluent à la probabilité d'une épidémie modérée dans notre pays : 2,3 millions (intervalle : 1,3 à 3,2 millions) de Français devraient être touchés par l'un des virus circulants au cours de l'hiver.
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