LA VACCINATION par le BCG était obligatoire depuis 1950. Il y a deux ans, Monovax a été remplacé par le BCG intradermique, ce qui nécessitait un geste un peu plus délicat et un risque plus élevé d'effets secondaires locaux : abcès, adénite, voire fistulisation. Les médecins généralistes et les pédiatres libéraux se sont alors élevés contre la généralisation d'un tel vaccin, difficile à réaliser. Les autres arguments étaient la diminution significative des formes graves de la maladie et l'abandon de cette pratique dans de nombreux pays européens. Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (Cshpf) et le Comité technique des vaccinations (CTV) ont alors émis un avis dans le sens de la suspension de la vaccination systématique par le BCG à deux conditions :
1) Bien identifier et vacciner les patients à risque (voir encadré).
Tout enfant dont les parents demandent la vaccination doit être vacciné, sauf contre-indication.
Le Comité consultatif national d'éthique (Ccne) et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) ont précisé que la vaccination ne doit être réalisée que pour des raisons strictement médicales et doit exclure toute démarche discriminante négative. En effet, les études nationales ont montré une grande hétérogénéité régionale avec une incidence de la maladie plus élevée en Ile-de-France (19,7/100 000) et en Guyane (44/100 000) que dans les autres régions de France (10/100 000 en moyenne). Les personnes atteintes de tuberculose sont les personnes âgées de 80 ans et plus, les personnes en situation précaire, ainsi que les personnes originaires de pays à forte endémie (Afrique du Nord, quelques pays d'Afrique noire, pays d'Europe de l'Est, Asie) et celles qui vivent en France depuis moins de deux ans. Si le risque de tuberculose est fortement lié au pays d'origine, il l'est également aux conditions de vie en France (conditions de logement, promiscuité, prisons).
2) Prendre en charge efficacement le traitement de la maladie avec dépistage et recherche de l'éventuel contaminateur dans l'entourage du patient. D'où la mise en place d'un programme national de lutte contre la tuberculose 2007-2009. Celui-ci a été élaboré par un groupe multidisciplinaire de représentants de l'ensemble des acteurs de la lutte contre la tuberculose (pédiatres, médecins impliqués dans la médecine sociale, la médecine pénitentiaire et la santé publique), réunis au sein du Comité national d'élaboration du programme national de lutte contre la tuberculose, sous la présidence du directeur général de la Santé. Celui-ci comprend 6 axes prioritaires :
1) Assurer un diagnostic précoce et un traitement adapté pour tous les cas de tuberculose maladie. L'objectif est de sensibiliser et d'informer les personnes exposées et les professionnels de santé sur la tuberculose, de favoriser l'accès aux soins et de développer la confiance dans le dispositif de soins, de garantir la qualité des soins, de renforcer l'éducation thérapeutique et de faciliter l'observance.
2) Améliorer le dépistage de la tuberculose maladie, notamment des formes latentes contagieuses en développant de nouveaux tests immunologiques (tests de stimulation lymphocytaire avec production d'interféron gamma) et en mettant en place une organisation, adaptée à chacune des régions, pour systématiser les enquêtes autour des cas.
3) Optimiser la stratégie vaccinale par le BCG en vaccinant les enfants à risque dès les premiers mois et en suivant leur couverture vaccinale afin de prévenir les formes graves.
4) Maintenir la résistance aux antibiotiques à un faible niveau. L'objectif est de diagnostiquer rapidement les multirésistances et de consolider l'aide à la décision et la disponibilité des traitements des tuberculoses multirésistantes.
5) Améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose. L'objectif est d'améliorer l'exhaustivité et la documentation bactériologique des déclarations, de documenter les issues des traitements et de développer les connaissances complémentaires à la déclaration obligatoire (recueil des informations par des enquêtes ponctuelles, utilisation des données de mortalité, évaluation de la couverture vaccinale dans les groupes à risque).
6) Améliorer le pilotage de la lutte antituberculeuse. L'objectif est de développer des orientations nationales et des outils de pilotage et de suivi, de coordonner les acteurs locaux et de mettre en place des partenariats.
Un comité de suivi doit être mis en place pour l'analyse et l'évaluation des stratégies mises en oeuvre.
Ainsi, la levée de l'obligation vaccinale sera un succès si l'ensemble des conditions ci-dessus sont remplies. Le risque de constater une augmentation du nombre de cas de tuberculose doit rester à l'esprit. Le médecin traitant se trouve au centre de ce dispositif, puisqu'il doit identifier les populations à risque, et les convaincre du bénéfice de cette vaccination. Une conséquence médico-légale de la levée de l'obligation est certainement de marquer dans le dossier médical que la vaccination a été proposée, son bénéfice et ses effets secondaires expliqués.
D'après un entretien avec le Pr Christophe Marguet, unité de pneumologie et allergologie pédiatrique, département de pédiatrie, CHU Rouen, hôpital Charles-Nicolle.
Les critères de vaccination
La vaccination BCG est fortement recommandée chez les enfants à risque élevé de tuberculose, qui répondent au moins à l'un des critères suivants :
– enfant né dans un pays de forte endémie tuberculeuse (annexe 2) ;
– enfant dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de ces pays ;
– enfant devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un de ces pays ;
– enfant ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs) ;
– enfant résidant en Ile-de-France ou en Guyane ;
– enfant dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment enfants vivant dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) ou socio-économiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, de la CMUc, de l'AME...) ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays de forte endémie.
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